C’est le milieu de l’après-midi, et Anne Hathaway et moi sommes assises à la terrasse d’un café de Brooklyn. Au fil de la conversation, nous en venons à parler de Patti Smith. Anne me dit que l’autobiographie de la rockeuse, Just Kids, est son livre préféré, que Horses est son disque favori… et, soudain, comme si elle épanchait toute son âme en un flot de notes mélodieuses, elle se met à chanter, faisant pivoter de stupéfaction toutes les têtes autour d’elle.

Bien sûr, quand Anne m’avait rejointe un peu plus tôt, ponctuelle et souriante, elle avait déjà attiré les regards. Car, il faut bien le dire, sa beauté est frappante. Elle est même plus jolie en personne qu’à l’écran: sa bouche, si célèbre, est encore plus délicate, et ses yeux d’héroïne de bédé semblent moins grands.

Avec son jean ample dont elle a retroussé le bas, ses espadrilles Saint Laurent sans lacets, sa veste militaire et sa frange qu’elle a rejetée en arrière pour dégager son front (elle est en train de laisser allonger sa coupe garçonne), la jeune femme ressemble davantage à une artiste de Brooklyn qu’à une star de cinéma. Elle est drôle, intelligente, et elle parle vite. La conversation passe rapidement d’un sujet à l’autre: elle discute aussi bien de son amour pour la série Game of Thrones que de l’homme avec qui elle est mariée depuis deux ans, Adam Shulman.

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Au cours de cet après-midi que nous passons à boire du thé glacé, je finis par éprouver ce que je ne peux décrire autrement que comme un véritable coup de coeur amical pour elle, le même que toute l’équipe du magazine a ressenti le jour précédent, au cours de la séance photo pour la couverture. En fait, quand on est assis en face d’elle, on a du mal à croire que cette fille si sympathique, si drôle et si généreuse peut diviser à ce point l’opinion publique. Car c’est bel et bien le cas. Ceux qui la détestent, surnommés les «Hathahaters», l’ont critiquée pour toutes sortes de raisons, qui vont de ses discours de remerciements trop longs à ses soi-disant caprices de diva (l’ayant rencontrée, je n’y crois pas une seconde), en passant par sa personnalité, qu’ils jugent… eh bien, un petit peu agaçante (encore une fois, je déclare que c’est faux!).

Choisir la zénitude

Ces commentaires vitriolés la dérangent moins qu’avant, même s’ils doivent encore être durs à entendre. «Au cours de la dernière année, j’ai appris à relaxer. Je pense que, quand on est jeune et qu’on se bat pour définir son identité, il y a quelque chose d’attirant dans le fait d’être torturé par les autres. Mais j’ai compris depuis que, finalement, je préfère la simplicité et la sécurité.»

Ce qui ne l’empêche pas d’aimer relever des défis. Plus particulièrement au boulot. «Je me pose toujours trois questions quand on me propose un rôle. De un: est-ce que le réalisateur est quelqu’un avec qui je meurs d’envie de travailler? De deux: si je n’ai jamais remarqué ce réalisateur, mais que le rôle qu’on m’offre me va comme un gant, est-ce que je fais le saut? De trois: si le réalisateur et le rôle sont nuls, mais que le cachet est très bon, est-ce que je signe le contrat? Jusqu’à maintenant, j’ai toujours répondu non à cette dernière question», lance-t-elle en riant.

De toute façon, les jeunes acteurs hollywoodiens de sa trempe ne restent généralement pas longtemps à se tourner les pouces. Et puis, on ne passe pas d’une banlieue du New Jersey à la Soirée des oscars (elle a gagné le Prix de la meilleure actrice de soutien en 2013) sans travailler très fort! Au cours de la dernière année, en plus de jouer dans Interstellar (sorti en novembre) et dans The Intern (une comédie dont elle partage la vedette avec Robert De Niro et dont la sortie est prévue l’automne prochain), elle a aussi été la productrice et la vedette du drame Song One, un film indépendant. C’est sans compter un projet de comédie musicale avec le chanteur des Talking Heads, David Byrne, qu’elle garde ultrasecret pour l’instant.

anne-hathaway2-400.jpgUne vraie bûcheuse

Anne l’admet elle-même, le métier d’acteur est quelque chose qu’elle a toujours pris «vraiment très au sérieux». Elle est née à Brooklyn d’un père avocat et d’une mère qui a mis de côté sa carrière d’actrice pour élever trois enfants. Elle se souvient que, quand elle était petite, elle a vu sa mère sur scène et qu’elle languissait de monter sur les planches avec elle. «Je me disais: "Est-ce que je peux jouer dans le spectacle, moi aussi?"» Ses parents ont tenu ses ambitions d’actrice en bride jusqu’à son adolescence. Elle a fini son secondaire et a même passé quelques semestres au Vassar College et à l’université de New York (NYU), avant de se battre pour décrocher un rôle dans The Princess Diaries, The Devil Wears Prada et Brokeback Mountain, des films qui ont tous connu un succès retentissant. En 2008, quand les journaux ont étalé dans leurs pages l’arrestation de son ancien amoureux, Raffaello Follieri (un homme d’affaires emprisonné pour avoir fraudé des investisseurs à qui il avait soutiré des millions de dollars), c’est encore en jouant, dans la comédie Bride Wars cette fois, qu’elle a trouvé la force nécessaire pour surmonter cette épreuve. «À l’époque, ma vie allait à vau-l’eau, alors j’avais juste besoin de travailler.» Se glisser dans la peau d’un personnage a longtemps été pour elle une façon de s’oublier, de trouver un refuge. «La célébrité, ça m’a déboussolée pendant très longtemps. Avant, je ne savais pas comment l’aborder. Ça m’a stressée au point de me faire flipper. Les gens me disaient: "T’as juste à être toi-même." Et moi, j’avais juste envie de répondre: "Mais je ne sais pas encore qui je suis!"»

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La situation a culminé en 2013, quand Anne a gagné une ribambelle de prix pour son interprétation de Fantine dans Les Misérables. Ça aurait dû être la meilleure année de sa vie, mais une volée de vautours est venue assombrir ce beau moment: les médias l’ont accusée d’être trop joyeuse, d’avoir trop de chance, trop de succès, trop de besoins, d’être trop sûre d’elle, trop… fausse. Avec une grande sagesse, elle s’est retirée un moment de l’oeil du public.

Ce qu’elle a trouvé le plus difficile, c’est qu’une petite part d’elle-même n’était pas en désaccord avec ce qu’on disait sur son compte. Anne n’est certainement pas la première à souffrir du syndrome de l’imposteur – même si, à Hollywood, il est rare que quelqu’un l’admette. «J’ai réalisé que ces gens qui me faisaient peur… eh bien, ils ne m’aimaient tout simplement pas et qu’ils avaient droit à leur opinion. La vie a repris son cours, et j’ai commencé à me dire: "Alors, qu’est-ce que tu penses de toi?"» Il lui a fallu du temps – dont bien des heures passées à se confier à ses plus proches amis – pour trouver une réponse. Mais, finalement, elle est y est arrivée.

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J’imagine que le fait qu’elle a trouvé l’amour joue un grand rôle dans sa confiance renouvelée en elle-même. En 2012, elle a épousé l’acteur et designer de bijoux Adam Shulman, qu’elle décrit tout simplement comme «la personne la plus extraordinaire» qu’elle ait jamais rencontrée. Récemment, le couple a vendu son appartement newyorkais pour s’installer à Hollywood – en partie à cause de l’essaim de paparazzis qui ne cessait de tourner autour de son immeuble à Brooklyn, et en partie parce qu’Anne est tombée amoureuse de Los Angeles. «Avant, ce n’était pas mon genre de milieu mais, au cours des deux dernières années, j’ai été complètement conquise.» Elle adore le soleil, les escalades dans les montagnes, et l’atmosphère hip et chaleureuse de la côte ouest. Son mari et elle ont un groupe d’amis proches là-bas, qu’ils invitent chez eux le dimanche «avec leurs chiens et leurs bébés». Anne prépare le repas, tout le monde plonge dans la piscine… et ça la rend plus heureuse qu’à peu près n’importe quoi. «Je commence enfin à apprivoiser le bonheur.».

Quand elle parle d’Adam, qu’elle a connu grâce à des amis communs en 2008, son visage s’illumine. Au moment de leur rencontre, la chanson Maps, du groupe Yeah Yeah Yeahs, jouait – une pièce qu’Anne rêvait en secret d’entendre le jour où elle descendrait l’allée nuptiale. «Et juste à ce moment-là, Adam est entré dans la pièce.»

Elle me dit qu’elle a su que c’était le gars quand, un jour, elle s’est complètement effondrée devant lui. «Pendant longtemps, je voyais tout en rose ou tout en noir, ce qui me gardait dans un état d’agitation mentale épuisant. Soit je trouvais que tout était génial, soit je sombrais dans un puits de désespoir. Un jour, alors que j’étais dans un de ces puits sans fond et que je me conduisais comme une vraie garce avec Adam, je l’ai regardé et je me suis dit: "Il n’a rien fait pour mériter ça. Si je veux rester avec ce gars-là, il va falloir que je fasse mieux que ça. Je dois être digne de lui."»

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Le couple s’est marié à Big Sur, en Californie. «C’était dans une magnifique résidence privée; on pouvait admirer à la fois des séquoias et l’océan. Et j’aimais tellement ma robe!» ajoute-t-elle en décrivant les mètres de tulle que Valentino a ciselés pour elle, dans un dégradé de rose. «Lorsqu’il m’a montré son croquis, je me suis mise à pleurer. Je lui ai dit : "Je n’en reviens pas que tu me connaisses aussi bien."» Elle sait que certaines personnes n’ont pas aimé sa coiffe de mariée, mais elle, elle l’a adorée. «Mes cheveux étaient tellement courts à ce moment-là! J’avais dit à Tom Hooper, le réalisateur des Misérables, que, dans la scène où Fantine se fait couper les cheveux, je voulais le faire pour vrai. Le jour où Tom m’a appelée pour confirmer le tout, j’en ai parlé à Adam – on n’était pas encore fiancés -, qui m’a répondu: "Et qu’est-ce que tu dirais d’être une mariée aux cheveux courts?" J’étais sidérée: "T’es sérieux!?"»

Le couple compte avoir des enfants «sans l’ombre d’un doute», dit-elle. Quand je lui demande combien elle en voudrait, elle lance en riant: «Le plus que je peux!» En attendant, elle compte continuer à faire des films et garde une attitude positive. «J’ai compris que je n’ai pas besoin de l’approbation de qui que ce soit. Pas du tout. Par exemple, je suis assise maintenant devant vous et je ne suis pas en train de me ronger les sangs en me demandant: "Qu’est-ce qu’elle pense de moi?" Avec tout le respect que je vous dois, même si vous avez l’air d’être quelqu’un de très chouette, je n’éprouve pas le besoin que vous m’aimiez – vous ou qui que ce soit d’autre.» Puis, elle me fait un large sourire: «Et c’est vraiment libérateur. Ça, c’est toute une révélation!»  

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