Selon la psychologue Nadia Gagnier, nous développons des complexes lorsque notre corps subit une transformation, que ce soit à l’adolescence, au cours d’une grossesse, quand apparaissent nos premières rides ou quand nous prenons du poids. «Si nous avons grandi dans un milieu où l’apparence occupe une place importante, dit-elle, nous aurons plus de mal à accepter ces changements parce que nous surévaluerons le rôle qu’a notre physique dans notre valeur en tant qu’individu.»

La psychologue Louise Cossette confirme que notre histoire personnelle a une incidence sur nos complexes: par exemple, nous avons une mauvaise estime de soi si nous avons été l’objet de critiques de la part de notre entourage, si notre mère a eu tendance à se dénigrer, etc. Elle ajoute que des paroles ou des gestes qui semblent anodins peuvent nous marquer profondément.

Nos complexes dénotent en fait notre peur d’être rejetées par les autres, fait remarquer Frédérick Philippe, professeur de psychologie à l’UQAM. Même si les relations significatives ne sont pas basées sur l’apparence, inconsciemment, nous accordons beaucoup d’importance à la façon dont les autres nous perçoivent.

Cela dit, est-ce que les canons de beauté actuels nous rendent plus complexées? Selon Frédérick Philippe, nous sommes toutes plus ou moins influencées par ceux-ci, mais pas au même degré. Certaines femmes qui ne correspondent pas du tout à ces modèles sont très bien dans leur peau; d’autres se jugent sévèrement, même si tout le monde s’entend pour dire qu’elles sont belles. «Ce qui fait la différence, dit-il, c’est jusqu’à quel point nous cherchons à atteindre cet idéal.»  

80 % des répondantes essaient de contrôler leur poids ou d’en perdre. La vérité?

C’est devenu normal de critiquer notre corps, de vouloir maigrir et de discuter entre copines du meilleur moyen pour y parvenir. «La proportion de femmes qui veulent perdre du poids est si importante dans notre société que les experts en santé publique parlent d’une préoccupation excessive», déplore Fannie Dagenais, nutritionniste et porte-parole de l’organisme ÉquiLibre.

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Et cette obsession ne touche pas uniquement celles qui ont un surplus de poids: 44 % des répondantes ayant un indice de masse corporel (IMC) inférieur à la moyenne font aussi attention à leur ligne. Fannie Dagenais trouve inquiétant que des femmes minces comptent leurs calories, mais aussi que des femmes rondes passent leur vie au régime: «Il y a toujours eu une diversité corporelle dans la population. Les gens ne sortent pas tous du même moule. Oui, nous avons avantage à adopter de meilleures habitudes de vie. Pas pour modifier notre taille, mais pour entretenir la magnifique machine qu’est notre corps. Car on a tendance à l’oublier, mais la nourriture est le carburant qui nous permet de réaliser toutes nos activités dans une journée.»  

31 % des répondantes sont d’avis que bien manger signifie se priver de certains aliments.

Couper dans le sucre et le gras, proscrire les «3 P» (pain, pâtes, patates), se servir de plus petites portions… Pour un grand nombre de personnes, bien manger est synonyme de se priver de certains aliments. La nutritionniste Fannie Dagenais est pourtant formelle: cette croyance est un piège. Selon elle, nous devrions privilégier une alimentation équilibrée et variée, mais aussi nous accorder des petits plaisirs – oui, oui, même des chips et de la crème glacée! «C’est quand on est constamment insatisfaite qu’on risque de commettre des excès, dit-elle. Il est d’ailleurs prouvé qu’en se privant des aliments qu’on aime on sera ensuite tentée d’en manger davantage. Par exemple, au lieu de se contenter d’un biscuit ou deux, on va vider la boîte.» C’est ce qui explique pourquoi les personnes qui suivent des régimes à répétition se retrouvent, au bout de quelques années de privation, avec des kilos en plus plutôt qu’en moins.

Pour nous sensibiliser à cette problématique, l’organisme ÉquiLibre, dont Fannie Dagenais est la porte-parole, tient la Journée internationale sans diète le 6 mai. Le thème de cette journée est «Pas besoin de se priver pour bien manger!» La nutritionniste nous met en garde: «Peu importe qu’on soit mince ou ronde, le fait de suivre des régimes pour contrôler son poids constitue une menace pour notre santé tant physique que psychologique.»

76 % des répondantes auraient une meilleure estime d’elles-mêmes si elles étaient plus minces.

«Peu d’entre nous décident de perdre du poids pour des raisons de santé», affirme Fannie Dagenais. Nous le faisons surtout pour rehausser notre estime personnelle. Le danger? «Si nous croyons que maigrir fera disparaître notre mal-être, il y a bien des chances que nous choisissions une méthode d’amaigrissement qui promet des résultats rapides. Or, ces régimes draconiens sont souvent nuisibles pour la santé», nous prévient la nutritionniste.  

Les jeunes filles commencent de plus en plus tôt à être insatisfaites de leur image corporelle.

«Une grande proportion d’entre elles s’inquiètent de leur poids dès la quatrième année du primaire», déplore la psychologue Nadia Gagnier. Ce phénomène s’explique en partie par le fait que la puberté se déclenche plus tôt qu’auparavant et que les jeunes filles apprivoisent difficilement les changements physiologiques qu’elle engendre. «Par exemple, les filles prennent de la masse corporelle pendant cette période», précise Mme Gagnier.

Selon elle, l’industrie de l’image a certainement un effet sur l’estime de soi des jeunes, mais il ne faut pas minimiser le rôle des parents. «Lorsqu’une adolescente voit sa mère se peser chaque matin, se comparer aux mannequins et être perpétuellement insatisfaite de son physique, elle enregistre le message qu’elle doit elle aussi répondre de cette façon aux canons de beauté.»  

S’il y a un moment dans la vie où le jugement d’autrui compte, c’est bien à l’adolescence!

«Durant cette période, on prend conscience du regard que les autres portent sur nous, et le désir d’être acceptées par nos pairs devient très important. On est donc très sensibles à leur opinion», rappelle la psychologue Nadia Gagnier. En outre, les adolescents ont tendance à se voir dans un miroir grossissant, ce qui ne les aide en rien à nourrir leur estime d’eux-mêmes. «Une adolescente qui se lève le matin avec un bouton sur le nez aura l’impression que c’est la seule chose que les gens verront!»

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Pour aider une jeune à relativiser les choses, la nutritionniste Fannie Dagenais recommande de lui demander quelle est la personne qu’elle admire le plus et pour quelles raisons elle l’admire tant. «Il est très peu probable que l’apparence de cette personne soit parmi les raisons évoquées. On peut l’amener à comprendre que les autres la voient elle aussi dans sa globalité, qu’ils l’apprécient bien plus pour ses forces et ses qualités que pour son poids ou son look.»  

Beaucoup d’adolescentes croient que la beauté est le secret du succès… Doit-on s’en étonner?

La plupart d’entre elles ont pour idoles des célébrités qui misent énormément sur leur apparence. Selon la psychologue Nadia Gagnier, les parents doivent encourager leurs ados à exercer leur esprit critique plutôt qu’à se comparer à ces modèles. «On peut, par exemple, avoir une discussion sur le fait que ces vedettes investissent beaucoup de temps, d’efforts et d’argent dans leur apparence. Au lieu de blâmer les vedettes, on peut expliquer à nos ados que ça fait partie de leur métier d’être belles, que c’est ainsi que fonctionne cette industrie et que ça leur assure des contrats, etc.»  

Comment aider notre adolescente à prendre confiance en elle?

«Oui, vous pouvez lui dire qu’elle est belle, lui montrer comment elle peut prendre soin d’elle, bien s’habiller et miser sur ses atouts. C’est une manière de lui apprendre à se respecter elle-même. Mais l’apparence ne doit pas être sa seule source de valorisation», dit Nadia Gagnier. La psychologue explique que notre estime de soi correspond à la valeur que nous nous accordons en tant qu’individu, et que notre image corporelle équivaut à la relation que nous entretenons avec notre apparence. Or, notre image corporelle peut grandement influencer notre estime de soi. «Une personne qui accorde trop d’importance à son physique risque de voir son estime de soi s’effondrer dès que son apparence subira un changement.»

Voilà pourquoi il importe de valoriser des qualités, autres que la beauté, que possède notre enfant et qui peuvent aussi contribuer à rehausser son estime de soi, que ce soit un trait de sa personnalité, ou encore un talent artistique ou sportif.  

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