Le 25 avril 2016, Vanessa Pilon participait au Défi têtes rasées Leucan. La sémillante animatrice de Switch tes fripes, à Vrak TV, a sacrifié ses jolies mèches blondes pour soutenir les enfants atteints d’un cancer et, du même coup, sa propre sœur qui combat cette maladie. Deux semaines plus tard, la boule à zéro, elle dénonçait les inégalités sociales avec des milliers de jeunes lors de la 46e Marche Monde d’Oxfam-Québec, dont elle était la fière ambassadrice. Engagée, vous dites? «J’ai toujours été animée d’un profond sentiment de justice, explique Vanessa. À 18 ans, je travaillais comme coopérante dans un orphelinat au Pérou. L’année suivante, je me suis rendue en Chine pour donner un coup de main à un organisme qui vient en aide aux enfants autistes.» Aujourd’hui, son statut d’étoile montante de la télévision lui offre une visibilité qu’elle veut exploiter pour faire rayonner de bonnes causes. «Pour moi, c’est insensé et vain de publier seulement des photos de mon déjeuner et de mes vêtements», déclare l’instagrammeuse aux 137 000 abonnés.

À 31 ans, Vanessa Pilon ajoute ainsi sa voix à un cortège de plus en plus important de jeunes stars philanthropes, tant au Québec qu’en Amérique du Nord. On pense à Marie-Mai: âgée de 32 ans, l’ex-ambassadrice d’UNICEF vient en effet de donner un concert au profit de la Fondation maman Dion, qui vient en aide aux enfants issus de milieux défavorisés. On pense également à Caroline Dhavernas, qui a déjà joué dans une vidéo déjantée pour sensibiliser les hommes au cancer des testicules et qui est aujourd’hui porte-parole de l’organisme Passages, soutenant les jeunes femmes en difficulté. Les Cowboys Fringants, eux, nous sensibilisent à la protection de l’environnement au moyen de leur fondation éponyme. À l’échelle internationale, le milieu philanthropique interpelle Emma Watson, porte-parole de la campagne HeForShe d’ONU Femmes, prônant l’égalité des sexes, et Lady Gaga, qui se porte à la défense des jeunes sans-abri. Et n’oublions pas Charlize Theron, qui milite contre le sida et les violences sexuelles en Afrique. L’actrice a d’ailleurs tout un tempérament de mobilisatrice… «Même si je n’étais pas célèbre, je serais le genre de personne qui écrit à son député! confiait-elle récemment à ELLE France. J’ai grandi dans une situation de grande injustice: l’apartheid. Alors, quand on a vu ce que j’ai vu en Afrique du Sud, dans mon enfance, on ne peut que se sentir concernée.»

Les générations généreuses

Fait intéressant, le nombre de porte-parole s’est multiplié un peu partout sur la planète grâce à l’arrivée de personnalités engagées issues des générations X et Y. «Elles sont en train de bouleverser le monde de la philanthropie, note Daniel Asselin, président d’Épisode, une firme d’experts en collecte de fonds. Les jeunes sont des communicateurs exceptionnels, et ils n’hésitent pas à s’impliquer socialement.»

Qu’ils se bousculent au portillon des associations caritatives tombe bien, car la demande en matière de porte-parole n’a jamais été aussi grande. «En sollicitant les personnalités, les organismes vont chercher une notoriété et une couverture médiatique qu’ils pourraient difficilement obtenir autrement, signale Daniel Asselin, qui observe le milieu philanthropique depuis 35 ans. Ils savent très bien que le public, les médias et les gens d’affaires carburent aux vedettes.»

À tel point que les organisations s’arrachent littéralement les candidats riches et célèbres. «On est très sollicité, mais pas toujours de la bonne façon, nuance Vanessa Pilon. Un groupe que je ne nommerai pas m’a approchée pour le représenter. Au cours de la discussion, on m’a fait comprendre que je ne pourrais pas travailler avec lui si je poursuivais ma collaboration avec un autre organisme, perçu comme un concurrent. Ça m’a refroidie, et j’ai fini par refuser. Je n’aime pas cette vision capitaliste de la philanthropie.» Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une affaire de gros sous et, au final, d’un business comme les autres.

Cause toujours

Soit, mais qu’est-ce qui pousse les jeunes stars à soutenir une cause, à défendre un groupe social ou à s’impliquer dans une œuvre qui leur fait de l’œil? La réponse fuse lorsqu’on pose la question à Pénélope McQuade. «Parce que, comme citoyenne, ça correspond à ma vision de la collectivité et de ce qu’on doit faire pour la rendre meilleure, explique-t-elle avec conviction. Et parce que j’estime que c’est du gaspillage que d’avoir une tribune et ne pas s’en servir.» Au fil des ans, l’animatrice-vedette a d’ailleurs parrainé de nombreux organismes dont Le Chaînon et la fondation Le Grand Chemin (destinée aux adolescents aux prises avec un problème de dépendance à l’alcool, aux drogues ou au jeu). Depuis janvier dernier, elle est la porte-parole de la Fondation de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Son engagement repose sur un profond sentiment de reconnaissance, car il s’agit de l’établissement de santé qui l’a aidée à recouvrer sa mobilité après un grave accident de la route.

Quant à Mélissa Désormeaux-Poulin, la porte-parole de la Fondation Marie-Vincent, un organisme qui vient en aide aux victimes d’agression sexuelle, elle a à cœur d’agir avec humanité. «Quand tu te rends compte que tu es écoutée, tu te sens investie d’un petit pouvoir — je le dis bien humblement — et tu veux l’utiliser pour changer les choses, remarque la comédienne, qu’on retrouvera dans la série Ruptures cet automne, à ICI Radio- Canada Télé. J’exerce le plus beau métier du monde, mais il ne vient pas sans une part de superficialité. En m’impliquant, j’ai l’impression de contribuer au progrès de la société, et je me sens mieux comme être humain.»

De son côté, la comédienne Marie Soleil Dion croit que son engagement avec Bell cause pour la cause, une initiative visant à briser les tabous entourant la santé mentale, peut servir d’exemple à ses jeunes fans qui la suivaient assidûment dans l’émission VRAK la vie, à Vrak TV, et sur les réseaux sociaux. «À leurs yeux, je suis tellement cool, mais je trouve important qu’ils sachent que ça n’a pas toujours été le cas, confie celle qui fait sensation dans la série Like- moi!, à Télé Québec. J’ai vécu des moments moins l’fun, notamment en 5e secondaire, quand j’ai traversé un épisode d’épuisement avec des symptômes dépressifs. Je veux aussi transmettre aux jeunes le message que c’est possible de s’en sortir en demandant de l’aide.»

La pipolisation de la philantropie

Vrai, être une vedette vient désormais avec son lot de responsabilités. «Autrefois, la célébrité se résumait à un monde de paillettes et d’insouciance. Or, depuis les années 1980, on attend des stars qu’elles aient une influence qui dépasse l’industrie du divertissement», analyse Valérie Gorin, sociologue des médias à l’Université de Genève et l’une des rares universitaires à étudier le phénomène de l’engagement des stars.

Comme elle le rappelle, tout a commencé en 1919, lorsque l’Europe centrale est frappée par une grande famine. Save the Children, une ONG britannique, veut nourrir les enfants russes et ukrainiens. Aux yeux du public anglais, ce projet est inacceptable, car il s’agit de la progéniture de l’ennemi communiste. Pour le convaincre, l’organisme fait appel aux célébrités de l’époque: des journalistes et des personnalités religieuses. «Ça marche alors très fort», raconte-t-elle. La tendance s’enracine un peu plus avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale: cette fois, c’est le gouvernement américain qui interpelle Hollywood pour soutenir l’effort de guerre.

Dans les années 1950, les mondes du cinéma et de la musique «deviennent de véritables réservoirs dans lesquels on va recruter des personnalités pour promouvoir des campagnes de financement ou participer à des plaidoyers», poursuit la sociologue. Les Nations Unies créent le programme des ambassadeurs de bonne volonté comptant aujourd’hui plus de 200 personnalités qui sensibilisent bénévolement l’opinion publique à différentes causes, comme la pauvreté, l’émancipation des femmes ou la paix. La pipolisation de la philanthropie s’accélère en 1985 avec Live Aid, ce double concert historique qui s’est tenu simultanément à Londres et à Philadelphie, et qui a réuni une pléiade d’artistes, de U2 à Madonna, en passant par Bob Dylan, pour amasser des fonds destinés aux Éthiopiens affamés.

Au Québec, les stars bienfaitrices ont fait leur apparition dans les années 1970. Le premier et le plus connu est sans doute Yvon Deschamps. L’humoriste et sa conjointe, Judi Richards, ont représenté pendant des décennies Le Chaînon, une maison d’hébergement qui accompagne les femmes en difficulté. Depuis, adopter une cause semble un passage obligé pour toute vedette, au même titre que fouler le tapis rouge. Normal, puisque «les jeunes se sentent, plus que jamais, responsables du sort de la société», fait valoir l’expert Daniel Asselin.

À preuve, Catherine Brunet, qu’on a suivie à l’émission Le chalet, à Vrak TV, et qui est de la deuxième saison de Marche à l’ombre, diffusée à Super Écran, incarne bien ce besoin viscéral d’agir. «Je pense que chaque être humain devrait endosser une cause ou faire du mieux qu’il peut pour aider son prochain. Je veux qu’on vive dans un monde meilleur, et si je peux y contribuer en prêtant mon nom et mon image à des causes qui ont besoin de visibilité, tant mieux!» affirme avec aplomb la comédienne de 25 ans, qui a été l’ambassadrice d’UNICEF pendant huit ans et qui est aujourd’hui la porte-parole d’Anorexie et boulimie Québec.

Un don de soi payant? 

Malgré leur bonne foi, les vedettes ne sont pas à l’abri des critiques. En effet, certains
commettent des faux pas autrement plus sérieux qu’un choix douteux de robe… Mais qui dit engagement dit aussi devoir de s’informer sur la cause qu’on souhaite défendre et, à cet égard, il semble que certains membres de la génération Y soient plus avisés que leurs prédécesseurs. C’est le cas de Marie Soleil Dion, qui a exigé qu’on lui montre comment sont utilisés les dons versés à Bell cause pour la cause. «Je ne voudrais surtout pas apprendre un jour que cet argent a abouti dans un paradis fiscal!» s’exclame la comédienne en vedette dans la télésérie L’échappée, à TVA.

Sans compter que la générosité des stars est parfois accueillie avec cynisme par le public, qui y voit une façon, pour elles, de briller sous les projecteurs. Cela pousse même certains artistes à ne pas s’engager, comme le chanteur Stromae, qui a refusé de se joindre aux Enfoirés. Ce groupe d’artistes français organise des concerts chaque année pour aider les Restos du cœur, qui offrent des repas gratuits aux démunis. «J’ai un problème à mêler mon image à une association caritative. (…) J’ai un problème avec ça, car j’en profite», a-t-il tenté d’expliquer à la chaîne radio Europe 1. L’interprète de Papaoutai n’a pas tout faux. «En effet, on s’attire de la visibilité et du capital de sympathie en épousant une cause, admet Pénélope McQuade. Le fait-on vraiment pour cela? J’ose espérer que non. Mais cela nourrit-il notre ego? Absolument. Comme tout ce qui nous attire des compliments, d’ailleurs.»

Pour sa part, Catherine Brunet préfère ne pas s’embarrasser de telles considérations. «Évidemment, il y a des vedettes qui s’impliquent juste pour se faire voir, lance- t-elle. C’est la même chose pour un P.-D.G. qui achète une table dans un souper-bénéfice juste pour montrer que sa compagnie est socialement responsable. Mais bon, ça ne sert à rien de parler de ça! Qui sommes-nous pour juger qui que ce soit qui milite pour une bonne cause? En fin de compte, le résultat reste le même: des personnes dans le besoin vont en profiter, et c’est ça le plus important.»

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