Brune fringante à l’énergie contagieuse, Amy Luna Manderino est une cougar, une vraie. Elle a même trois titres pour prouver qu’elle est une de ces femmes de plus de 40 ans qui aiment les hommes jeunes. En 2010 et en 2011, elle a successivement été couronnée Miss Cougar San Francisco East Bay, Miss Cougar Californie et Miss Cougar internationale. Prof de danse, la mi-quarantaine pétillante, elle dit avoir gagné sa première couronne un peu par accident. «Tout a commencé un jour où j’ai accompagné une amie à une soirée pour jeunes hommes et pour femmes plus âgées», raconte-t-elle. C’était en septembre 2010, et elle ne se doutait pas qu’elle se rendait à un concours de Miss. Quand elle a compris de quoi il s’agissait, elle ne s’est pas laissé décontenancer et s’est prêtée au jeu. Après tout, elle répondait à tous les critères: elle était célibataire, elle avait plus de 35 ans et elle avait un sérieux penchant pour les «p’tits jeunes».

Les règles du concours étaient d’une extrême simplicité: les aspirantes Miss devaient tenter de charmer un à un les «lionceaux» (c’est le surnom qu’on donne aux gars qui craquent pour les femmes plus âgées). Puis, à la fin de la soirée, ces derniers votaient pour leur cougar préférée. Même si tous les coups (ou presque) sont permis dans ce genre de compétition – certaines participantes vont jusqu’à embrasser à pleine bouche les lionceaux pour obtenir leur vote! -, Amy Luna Manderino jure avoir joué fairplay, se contentant de flirter sagement avec chacun des hommes de l’assistance. Vers 23 h, elle a découvert à sa grande surprise qu’elle était la participante la plus populaire de la soirée, ce qui lui a valu le titre de Miss Cougar San Francisco

Photo: Courtney Cox

Si Amy Luna revendique avec fierté le fait d’être une cougar, elle précise que sa définition du concept n’a rien à voir avec la caricature qu’on peut en voir dans certains films de Hollywood. Bien qu’elle ait fréquenté des hommes ayant jusqu’à 20 ans de moins qu’elle, elle refuse d’être étiquetée comme la prédatrice habillée de vêtements à motifs de léopard et mangeuse de boy toys. «Pour moi, une cougar, c’est simplement une femme de plus de 40 ans à l’aise avec sa sexualité et attirante pour les hommes de tous les âges», explique-t-elle.

Auréolée de ses trois titres, Amy Luna a l’intention d’écrire un livre sur le sujet. Son but? Redorer l’image de la cougar auprès du grand public. À sa parution, son bouquin s’ajoutera à la longue liste d’ouvrages sur la question parus au cours des dernières années. En effet, depuis la sortie de Cougar – A Guide for Older Women Dating Younger Men en 2001, on ne compte plus les publications qui se penchent sur le phénomène. La plupart sont soit des livres pratiques, soit des romans érotiques mettant en scène de jeunes mâles aux abdominaux fermes et des quadragénaires particulièrement dégourdies dans la chambre à coucher. Au cours de la première moitié de 2011 seulement, il est paru en moyenne un bouquin par mois sur le sujet aux États-Unis.

Photo: Mariah Carey, 41 ans et Nick Cannon, 31 ans

Une industrie rugissante

Outre une pléthore de livres, le phénomène a engendré de nombreux films (souvent des navets de premier ordre, comme Cougar Hunting, dans lequel trois ados attardés se mettent en quête de «femmes mûres, riches et excitées»…) et plusieurs émissions de téléréalité (dont Ivana Young Man, où l’ex-femme de Donald Trump dit préférer jouer la «gardienne» que l’«infirmière» dans une relation). Évidemment, dans la grande Toile, les sites de rencontres spécialisés (dateacougar.com, cougared.com, etc.) comme les sites pornos dédiés aux charmes plus ou moins fermes des cougars pullulent. Dans la vraie vie, les «soirées cougars» qui se tiennent chaque semaine aux quatre coins des États-Unis sont légion.

Autoproclamée conseillère en relations amoureuses, Lucia Demasi a senti il y a plusieurs années déjà que le phénomène pouvait être porteur. Le déclic, elle l’a eu en 2005, après avoir été invitée à témoigner à la télé. «Tyra Banks a produit une émission sur les cougars, et, comme je fréquentais des hommes plus jeunes, on m’a conviée sur le plateau pour en discuter», se souvient-elle. Découvrant que l’intérêt pour les amours de ce type ne cessait d’augmenter – Demi Moore a épousé Ashton Kutcher la même année -, Lucia Demasi a carrément décidé de se spécialiser dans les rapports cougars-lionceaux. Et de fil en aiguille, cette grande blonde d’origine canadienne s’est mise à tenir un blogue, à animer des soirées de rencontres et à donner des conférences sur le sujet.

Ces couples ont-ils vraiment besoin de conseils spécifiques? «Ce genre de relation augmente en popularité, mais il y a encore bien des gens qui ne l’acceptent pas. Alors, il faut qu’il y ait des porte-paroles comme moi, assure Lucia Demasi. Je reçois beaucoup de lettres et de courriels de partout dans le monde. Des gens me disent qu’ils sont embarrassés par leur choix et qu’ils ne savent pas comment en parler à leur famille. Ils ont beaucoup de questions et ils ont besoin de quelqu’un qui s’y connaît vraiment.»

Jamais mariée, sans enfant, Lucia Demasi est une femme d’affaires avertie. En avril dernier, elle s’est mise à revamper le site urbancougar.com, qui s’adresse aux femmes mûres et aux jeunes hommes, mais qui met surtout en vedette des cougars aux poitrines plus que généreuses. Après avoir dépoussiéré et rafraîchi le site, elle prévoit y ajouter une section VIP payante afin de tirer profit de l’engouement des lionceaux pour les cougars, et vice-versa.

 

Photo: Demi Moore, 48 ans et Ashton Kutcher, 33 ans

Des «lionceaux» entreprenants

Et il n’y a pas que les industries du divertissement et de la rencontre qui aient flairé la bonne affaire. Celle du tourisme propose désormais des croisières et des forfaits vacances aux femmes mûres et à leurs admirateurs.

Promoteur d’évènements pour célibataires depuis plus de 30 ans, Rich Gosse a ainsi organisé en mars dernier une «semaine des cougars» à Hedonism II, une station balnéaire très olé olé de Jamaïque. Pour environ 1000$, quelques lionceaux et cougars ont pu se baigner nus et batifoler dans des spas qui auraient sans doute bien des histoires salées à raconter s’ils pouvaient parler!

Principal organisateur des concours de Miss Cougar aux États-Unis, en Australie et même au Canada, Rich Gosse propose également des «croisières cougars ». Abondamment médiatisée, la première excursion qu’il a mise sur pied en décembre 2009 le long des côtes de la Californie et du Mexique a attiré près de 300 vacanciers. Le plus étonnant, c’est que les évènements que conçoit M. Gosse séduisent généralement bien plus les jeunes hommes que les cougars. «La plupart des gens croient à tort que le « phénomène cougar » est propulsé par des femmes d’un certain âge qui agiraient comme des prédatrices, dit-il. Mais ce n’est pas du tout le cas. Ce sont les jeunes lionceaux qui courent après les cougars. Nous avons toujours plus d’hommes que de femmes dans nos évènements.»

Pourquoi les jeunes gars s’intéressent-ils tant aux cougars? Selon Amy Luna Manderino, la réponse est simple: «Les médias et certains sites Internet présentent ces femmes comme des bêtes de sexe.» Résultat: les évènements étiquetés «cougar» ont tendance à attirer des hordes de jeunots qui fantasment à l’idée de rencontrer des quadragénaires nymphomanes. «Or, rien n’est plus loin de la réalité, poursuit Amy Luna. Il existe bien sûr des cougars qui sautent sur tout ce qui bouge, mais la plupart cherchent juste à rencontrer un vrai partenaire, comme toutes les autres femmes.»

Elle avoue même s’être mise à fuir les sites de rencontres pour cougars à cause de ce malentendu. «Ces sites attirent des gars qui surfent sur Internet juste pour le sexe. Et j’en ai eu marre, ajoute-t-elle. Je voulais faire de vraies rencontres. C’était trop dur de trouver de jeunes hommes qui voulaient réellement connaître des femmes plus âgées. C’était rendu au point où je devais dire aux hommes qui me demandaient ma photo de ne pas m’envoyer celle de leur pénis en échange! Sur ce type de sites, ces comportements semblent normaux…»

Photo: Madonna, 53 ans et Brahim Zaibat, 24 ans

Les cougars se rebiffent

Prenant le contrepied de tous les sites qui hypersexualisent les cougars, la New-Yorkaise d’origine canadienne Linda Franklin a, quant à elle, fondé le site therealcougarwoman.com. Propret, plus riche en conseils qu’en décolletés, le site encourage d’abord et avant tout les cougars à s’épanouir et à se réaliser. Trucs beauté, conseils financiers, nutrition, exercice, ménopause: les sujets abordés n’ont rien pour alimenter les fantasmes des lionceaux. Énervée par le cliché de la cougar libidineuse qui passe son temps à courir après des minots, Linda Franklin voudrait redéfinir le terme. «Dans la vraie vie, dit-elle, une cougar est une femme forte, indépendante sur le plan financier et dans tous les autres aspects de sa vie. (…) Elle aime les hommes, oui, mais elle refuse d’être définie par l’âge du compagnon qu’elle a choisi.»

Cette femme d’affaires qui travaillait à Wall Street avant de changer de carrière à l’orée de la cinquantaine est convaincue que si le mot «cougar» a souvent une connotation négative, c’est d’abord parce que les femmes qui ont du pouvoir et qui sont sûres d’elles effraient les hommes. «Il n’y a qu’à regarder les personnalités qui sortent avec des gars plus jeunes, poursuit-elle. Katie Couric, Madonna, Susan Sarandon: ce sont toutes des femmes qui ont du succès, qui sont indépendantes, qui ont confiance en elles, qui sont belles et sexys. Il y a des gens qui ne supportent pas ça!» Mais Linda Franklin ne désespère pas. Elle croit que l’image des cougars va évoluer avec le temps. Lentement, mais sûrement…

Kim Cattrall sort ses griffes!

L’actrice Kim Cattrall aurait sans doute pu devenir la cougar canadienne la plus célèbre qui soit en jouant le rôle de Samantha Jones (la croqueuse de jeunots dans Sex and the City). Sauf que le concept même l’horripile. En 2010, elle a affirmé avoir refusé de poser pour la couverture d’un magazine parce qu’on voulait la photographier en compagnie d’un (vrai) cougar. «J’ai décliné l’offre parce que je trouvais ça insultant», avait-elle confié à l’époque. «Je ne supporte par le terme « cougar ». J’estime qu’il a une connotation négative et je ne vois pas ce que Samantha, sa sexualité, sa sensualité et ses choix ont de négatif.» À ses yeux, un peu comme pour Linda Franklin, cette appellation a été inventée par des gens qui n’apprécient pas les femmes fortes et déterminées.

Photo: Kim Cattrall