Le 6 décembre 1989, Marc Lépine tuait 14 étudiantes de l’École polytechnique de Montréal, simplement parce qu’elles étaient des femmes. C’était il y a 25 ans. À l’époque, plutôt que de mettre en lumière l’importance du féminisme dans notre société, ce tragique évènement a eu pour effet pervers de le remettre en cause. Nombreux étaient ceux qui considéraient que les féministes étaient allées trop loin dans leurs revendications. Qu’elles ne faisaient qu’entretenir une guerre injustifiée envers les hommes. Dans l’article «
Le féminisme, où en sommes-nous?», publié en avril 1990, plusieurs femmes affirmaient adhérer aux valeurs d’égalité entre les sexes, mais refusaient d’endosser l’étiquette de féministes. En septembre 1992, dans «
Les nouveaux visages du féminisme », on allait même jusqu’à dire que ce mot était «si lourdement grevé d’une connotation négative qu’il [était] devenu socialement acceptable de se dire antiféministe». La journaliste Francine Pelletier, cofondatrice de la revue
La vie en rose, expliquait ainsi le phénomène: «Au moment où les inégalités les plus criantes sont devenues choses du passé, [les critiques du mouvement peuvent] se permettre d’émettre des doutes quant à la validité du féminisme.»

Les femmes reprennent le combat

En mai 1994, l’article «Vive les femmes!» nous prouve que le mouvement n’est pas mort: une nouvelle génération de militantes américaines en redéfinit le sens, avançant qu’on peut être à la fois féministe et féminine. Parmi elles se trouve l’auteure Naomi Wolf. Elle déclare: «Il faut arrêter de dire qu’il y a une bonne façon d’être féministe. Je crois qu’on peut détester le sexisme tout en aimant les hommes.»

Du côté de la France, c’est le nombre réduit de femmes occupant un poste de pouvoir qui pousse des personnalités de divers horizons – dont la styliste Sonia Rykiel et l’auteure Amélie Nothomb – à joindre le mouvement les Chiennes de garde. Dans l’article «Attention, chiennes méchantes» (novembre 2001), Isabelle Alonso, alors présidente de cette association, affirme: «Depuis une quinzaine d’années, c’était le silence ou presque dans les médias français sur la situation des femmes. On se défendait presque d’être féministes. Si nous pouvons seulement arriver à convaincre les femmes que leur parole est légitime, qu’elles ont raison de se révolter, alors on pourra dire: vive les Chiennes de garde!»

Changer les mentalités un clic à la fois

Et aujourd’hui? Est-ce que les filles de la génération Y ont abandonné les luttes amorcées par leurs prédécesseures? Non, si on se fie à des mouvements spontanés comme les marches SlutWalk qui ont eu lieu en 2011 dans plus de 30 villes du monde. Les femmes ayant participé à ces marches n’ont pas hésité à enfiler des petites tenues pour dénoncer l’idée d’un lien de cause à effet entre le fait de s’habiller sexy et celui de subir un viol («Les salopes en ont ras le bol!», octobre 2011).

L’atout des nouvelles militantes? Les médias sociaux. En février dernier, l’article «Vive le féminisme 2.0!» faisait état d’initiatives comme Who Needs Feminism? et Everyday Sexism, qui parviennent à rallier un grand nombre d’hommes et de femmes à une cause auparavant impopulaire. «Le féminisme semble sortir d’un long purgatoire », y affirmait Chantal Maillé, professeure à l’Institut Simone-de-Beauvoir, de l’Université Concordia. «Aujourd’hui, le mouvement reprend de l’importance, on en parle beaucoup, et beaucoup de jeunes femmes s’affichent fièrement comme féministes. Et c’est tant mieux.»

PLUS: Vive le féminisme 2.0!

Et aujourd’hui?

L’impossible conciliation travail-famille

«De 1976 à 2008, le pourcentage de Québécoises âgées de 25 à 44 ans actives sur le marché de l’emploi a doublé, passant de 35,9 % à 80,7 %», affirme-t-on dans l’article «Métro-boulot-marmots: le casse-tête des familles» (avril 2010). Tout en se réjouissant de cette hausse, on déplore le manque de ressources dont disposent les mères pour concilier leur vie familiale et leur carrière. «C’est vrai que les politiques gouvernementales du Québec – le congé parental et les garderies à 7 $ – sont très en avance sur ce qui se fait dans le reste de l’Amérique du Nord. Le retard est du côté des entreprises.»

Elles gagnent moins…

Dans l’article «Salaire: comment demander plus?» (septembre 2002), on apprend que les Québécois gagnent de 30 % à 35 % de plus que les Québécoises. La raison? «Incroyable, mais vrai, le salaire des femmes est encore perçu par beaucoup comme un simple supplément destiné à arrondir les fins de mois. Le hic, c’est que les femmes en sont parfois les premières convaincues, y compris les plus jeunes.»

… mais parfois plus!

La même année, on révèle qu’une Canadienne sur six gagne plus que son conjoint («Elles gagnent plus qu’eux», septembre 2002). Dix ans plus tard: «Au Canada, on estime que dans près du tiers des ménages, c’est madame qui est devenue le principal soutien financier. C’est pratiquement trois fois plus qu’il y a 35 ans.» («Ma blonde gagne plus que moi», novembre 2012) Est-ce que les femmes ont brisé le plafond de verre?

PLUS: Ces femmes qui gagnent plus que leur chum

Malheureusement, pas encore…

«Elles n’occupent que 20 % des sièges dans les parlements de l’ensemble de la planète, elles ne représentent que 4 % des PDG des 500 plus grandes compagnies américaines et leur salaire est inférieur de 20 % à celui des hommes.» («Carrière, c’est le temps de s’affirmer!», octobre 2013)

Toujours la reine du foyer?

«Les Québécoises s’occupent deux fois plus du foyer que leur conjoint et passent 72 % plus de temps avec les enfants.» («Tâches ménagères: on en fait encore trop!», novembre 2002)

PLUS: Carrière: c’est le temps de s’affirmer!

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