Horrifiés qu’ils étaient, mes amis. Autant que si je leur avais annoncé: «J’ai chopé une chlamydia!»

«Hein, un mois sans télé?!?!»

Quand j’ai ajouté que j’allais EN PLUS rater le dernier épisode de 24 et, pire encore, celui de Lost, là, c’était comme si j’avais le cancer et qu’il ne me restait que deux mois à vivre.

«Ma pauvre Louise! C’est tellement cruel.» «Finalement, ce n’est peut-être pas une si bonne idée», se sont ensuite dit mes collègues du magazine, imaginant que ma santé mentale – et par conséquent la leur – souffrirait du sevrage. (Il y a eu en effet quelques dommages collatéraux durant ce mois. Qu’y pouvais-je? Certains matins, j’étais à bout de nerfs. Hé!)

Oui, je suis à ce point maniaque de «tivi». En temps réel, en différé, en DVD, peu importe, c’est boulimique. Mon record? Avoir visionné les 42 premiers épisodes de la série In Treatment en quatre minuscules soirées.

Durant les 10 dernières années, j’ai suivi re-li-gieu-se-ment The X-Files (en anglais ET en français), Six Feet Under, Band of Brothers, Prison Break, Nip/Tuck, et une bonne partie de Sex and the City, des Sopranos et des Invincibles. Je continue d’être accro de CSI, True Blood, Mad Men et Fringe, sans compter Le téléjournal, Tout le monde en parle et, quand j’ai deux minutes, Late Show with David Letterman, Anderson Cooper 360°, Charlie Rose et tout Food Network. Me demander à 1 h du matin ce qui passe sur la chaîne Animal Planet, c’est pour moi la routine.

 Le premier soir de ma cure, je ne vous dis pas le vide abyssal dans lequel j’ai basculé. Mais qu’est-ce que j’allais faire pendant 30 jours? J’ai jeté mon horaire télé, en prenant l’air dépité de l’armée britannique devant George Washington, et je suis sortie promener ma chienne (qui s’est montrée très étonnée de pouvoir gambader aussi longtemps dans le parc).

Trois jours plus tard, j’angoissais comme une condamnée à mort. Qu’est-ce que j’allais faire de ma vie? Envoye donc, une p’tite partie de solitaire! Après deux heures à jouer aux cartes sur mon ordinateur, j’ai senti que j’avais atteint le fin fond de l’insignifiance.

Un autre soir, après avoir tourné en rond pendant 70 minutes, j’ai ressorti mes vieux CD, et je me suis mise à repriser mes bas et à coudre mes boutons. Bonjour, la soirée!

Heureusement, les choses se sont améliorées après une semaine. J’ai exhumé mon nécessaire à broder, mes aiguilles à tricoter et mes crayons de couleur, et j’ai retrouvé mon enthousiasme de petite fille. J’ai évidemment beaucoup lu (neuf livres au total, dont un essai sur la ville de New York). Et certains soirs – à bout de ressources – je suis montée me coucher. (Que voulez-vous, on ne peut pas sans arrêt déployer des trésors d’imagination.) «Mais t’as bien l’air reposé», me faisaient remarquer mes collègues le lendemain. Et c’est vrai que je me sentais plus en forme.

J’ai profité de mon temps libre pour redécorer ma maison: j’ai fait peinturer ma cuisine, mon salon et ma salle à manger, et fait recouvrir un fauteuil; j’ai moi-même rafraîchi un petit banc en bois et une armoire de cuisine. J’ai épluché les petites annonces de Kijiji pour trouver un meuble dont je rêvais, vendu une portion de mes magazines de collection… (Tout ça en un mois! Mais qu’est-ce que je foutais avant ça?) Je crois aussi avoir téléphoné davantage à mes amis.

Une fois seulement j’ai failli craquer: durant les éliminatoires de la Coupe Stanley. Ma fibre partisane, engourdie depuis 25 ans, s’est réveillée subitement après le cinquième match entre les Capitals et les Canadiens, et j’ai fait un effort monstre pour ne pas atterrir à la Cage aux Sports où des amis m’avaient conviée. Jusqu’à ce que, eurêka! je me rappelle que le hockey jouait aussi à la radio. Ben oui, la radio! Quelle invention extraordinaire! Je l’avais complètement oubliée. J’ai ainsi suivi l’épopée de nos Glorieux en songeant, émue, à mon grand-père qui écoutait les matchs sur son petit transistor.

Bizarrement, le jour où mon carême s’est terminé, je n’ai même pas songé à allumer la télé. Oubliée, la télécommande! Puis, je me suis réinstallée tranquillement devant l’écran, ne serait-ce que pour regarder les derniers épisodes de 24 et de Lost. Maintenant, je réfléchis à toutes les heures libres que je pourrais avoir devant moi… «Do you know we are ruled by T.V.?» disait Jim Morrison dans son long poème An American Prayer. Visiblement, il avait le temps d’être poète…

 

 

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