Comme les cartes de Noël, les cartes de la fête des Mères devraient se vendre en paquet de 10. Rassurez-vous: je n’ai qu’une mère biologique. Celle qui m’a mis au monde, qui m’a élevé, qui m’a appris à marcher, à dire merci et s’il vous plaît. Mais il y avait beaucoup de travail à faire pour que je devienne un homme, et il s’est trouvé sur ma route d’autres mères qui, par affinité, ont favorisé ma progression.

J’ai quelques mères littéraires, dont Gabrielle Roy, qui m’a appris avec Bonheur d’occasion qu’on peut charger d’émotions un texte tout simple en apparence. «Lentement, ils se remirent en marche, chacun suivant le cours de ses pensées qui allaient sur une pente opposée, tellement à l’opposé que jamais plus dans leur vie ils ne pourraient se comprendre.» En quelques mots faciles à saisir, cette mère-là m’a expliqué la raison de la plupart de mes échecs amoureux. Je me rappelle l’avoir lue à l’adolescence, à un moment où mes amis se cherchaient une soeur trash et rebelle plutôt qu’une mère. Eux lisaient Virginie Despentes. Soucieux d’avoir l’air cool, j’évitais de leur parler de Gabrielle Roy. Elles sont comme ça, nos mères: on les aime bien, mais on a parfois peur qu’elles nous fassent honte en public.

J’ai des mères éditrices, des mères productrices, des mères correctrices et, même si certaines ont mon âge, elles possèdent une sagesse qui me manque parfois. Elles m’ont prodigué des conseils que j’ai pris soin de retenir. Elles sont aussi comme ça, nos mères: elles nous mettent dans le bon chemin, celui qui nous convient le mieux, avec une telle humilité qu’on finit par croire que la décision vient de nous.

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Et puis, il y a la belle-mère. On ne la choisit pas, celle-là. Elle débarque dans notre vie comme une surprise. Elle nous jauge en vitesse, pour voir à quel point sa fille vient de se mettre dans le pétrin. Puis, elle nous observe de loin, en espérant qu’on se comporte comme il se doit. C’est une relation complexe et pleine de pièges qui se crée. La belle-mère n’est pas unie à nous par un lien biologique qui lui permettrait d’excuser facilement nos défauts et nos gaffes. Elle peut nous rejeter à tout moment. Avec la mienne, il m’a fallu cultiver l’art de la finesse et de la nuance. Savoir être rassurant, gentil et poli. Je souris beaucoup en sa présence et parfois je porte même une cravate. Je n’ai pas le choix de lui montrer le meilleur de moi-même; ça atténue la frayeur qu’elle a quand elle tombe sur un de mes romans. «Il écrit des histoires cochonnes! Des histoires d’amour qui finissent mal!» (Note à ma belle-mère: mon histoire avec votre fille ne se terminera pas mal.)

Pour la fête des Mères, je n’ai d’autre choix que de dire merci à toutes les femmes qui m’ont aidé à devenir l’homme que je suis. Quand on me complimente sur une qualité ou une autre, il est rare que je ne puisse pas en trouver la source; ça vient souvent de l’une d’entre elles.

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