Je suis féministe. Jamais je n’hésite à affirmer que «all bodies are good bodies», à répondre à des commentaires sexistes – en ligne comme dans la vie –  ou à dire haut et fort que les femmes sont maîtres de leur propre corps et qu’elles n’existent pas pour plaire à qui que ce soit. Pourtant, chaque printemps, je suis la première à m’inscrire au gym, à boire des jus verts, à me tartiner d’autobronzant et à arracher tous mes poils (ou presque). Pourquoi? Pour être «bikini ready». Parlez-moi d’inconséquence…

 

J’ai souvent de la difficulté à concilier mes valeurs féministes et les comportements que j’adopte pour entrer dans les standards de beauté qui régissent notre société. Comprenez-moi bien, il y a beaucoup de choses que je fais pour moi et personne d’autres, parce que ça me fait plaisir et que ça me fait sentir bien: me maquiller, me vernir les ongles, me coiffer, m’habiller d’une certaine façon… Mais glisser une lame de rasoir sur le tiers de mon corps? Je m’en passerais bien… si ce n’était du regard des autres! Même chose pour le gym. J’adore jouer dehors et être active, mais endurer quatre séances de course ou de levée de fonte par semaine, je le fais principalement pour… rester mince! C’est dur à avouer, mais même si l’entrainement est bon pour la santé tant physique que mentale, je m’y soumets pour entrer dans les standards de beauté que je dénonce pourtant si souvent. C’est plate, han?

 

Récemment, je répondais à un monsieur sur les réseaux sociaux qui, sous un article présentant la très cool initiative Maipoils, affirmait qu’une femme qui laissait ses poils au naturel était «dégueulasse». En lui écrivant que «j’avais hâte plus que jamais que mes poils poussent pour ne jamais plaire à des nonos comme lui», je me suis sentie hypocrite. Parce que même si je trouve magnifiques et courageuses les femmes qui cessent de s’épiler, moi, j’en suis incapable. On ne prendra jamais la féministe body positive que je suis le mollet poilu à l’air! Et ça me désole. Ça veut dire, d’une certaine façon, que la société a gagné. Que je ne suis pas capable de l’envoyer promener comme d’autres le font avec une confiance et un je-m’en-foutisme que j’admire.

 

D’où l’importance d’initiatives comme Maipoils, qu’on décrit de cette façon:

 

«Pendant un mois, soit l’entièreté de mai 2017, femmes comme hommes sont invités à tenter de donner une place à celui qu’on éradique sans cesse et toujours plus : Le Poil. C’est une invitation à ranger les pires tentations : les rasoirs, la cire, les bandes et l’arrache-poil électrique et à se laisser retrouver un épiderme au naturel pour voir si la beauté peut en émaner. Pour ceux et celles qui ne voudront pas y participer via leur corps par choix ou encore par impossibilité (éradication permanente des poils par le passé), vous êtes bien sûr invités à prendre part à la discussion. On veut mettre des mots sur le caché, l’intime, l’horrible, l’ostracisé ou le doux.»

 

Le corps naturel des femmes dérange encore (on n’a qu’à penser au mouvement #freethenipple). Mon propre corps au naturel me dérange encore. En abordant le sujet, même si ça peut attirer des commentaires niaiseux et misogynes de la part des messieurs-mesdames qui ont clairement besoin d’amour et d’un passe-temps, ça nous permet de réfléchir à nos comportements, et aux raisons profondes qui nous poussent à les adopter. Est-ce que je serai capable, un jour, d’aller danser dans une robe sans manche les aisselles poilues, en m’en contre-balançant? À manquer quelques entraînements au gym sans m’inquiéter des quelques calories non dépensées qui pourraient se transformer en kilos en trop? Peut-être. Je l’espère. En attendant, je continue ma réflexion. Et je tente tranquillement d’arriver à ce que mes valeurs féministes prennent le dessus sur mon (maudit) désir de plaire à tout le monde.