À 48 ans, j’ai eu un cancer du sein. J’ai suivi des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie qui ont donné les résultats escomptés, mais il m’a fallu sept ans pour remettre ma vie en ordre. Durant cette longue période, j’ai vécu un stress post-traumatique et un début de dépression, puis j’ai perdu le poste que j’occupais depuis de nombreuses années, avant de finir par reprendre le dessus. J’ai aussi entendu toutes sortes de bêtises sur le cancer, tout un discours nouvel âge qui relève de la pensée magique et qui, aujourd’hui, me révolte.

En 2004, j’ai découvert que j’avais une petite bosse dans un sein pendant les Fêtes, alors que je recevais ma famille. Sur le coup, j’ai fait des blagues à ce sujet. J’étais sûre que ce n’était rien. Quelques jours plus tard, j’ai tout de même pris la précaution de me faire examiner. Quand j’ai appris que j’avais un cancer du sein, ç’a été un choc – je l’ai vécu exactement comme ces gens qui, dans la publicité télévisée, tombent à la renverse. «Va au centre spécialisé de l’Hôtel- Dieu», m’a conseillé une de mes belles-soeurs, pragmatique. Elle avait entendu dire qu’un des plus grands spécialistes du cancer en Amérique du Nord y travaillait et que l’hôpital comportait un important centre de recherche. Dès que j’ai rencontré ce médecin, je lui ai fait confiance.

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À ce moment-là, une amie qui me voulait du bien m’a dit: «Ne laisse pas la chimiothérapie et la radiothérapie envahir ton corps. Tu peux recevoir des traitements de médecine alternative, pour que ton organisme se guérisse de lui-même.» Pas question! Moi, le seul discours auquel je me fie, c’est celui de la science.

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Depuis quelques années, certains auteurs, relayés par les médias, prétendent qu’on se donne le cancer soi-même et qu’on peut donc en guérir par la seule force de sa volonté, ou à peu près. Ça m’enrage au plus haut point! Allez à l’hôpital Sainte-Justine demander à un enfant de quatre ans au crâne rasé s’il s’est donné le cancer lui-même! C’est une aberration de dire des choses pareilles.

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J’ai donc suivi à la lettre les recommandations de mon médecin – oui, j’ai laissé la radiothérapie et la chimiothérapie «envahir mon corps»! En attendant les traitements, je me suis mise en forme en faisant du ski de fond et de la course dans les bois tous les jours. La nature m’a procuré un apaisement et une énergie qui m’ont aidée à passer à travers la chirurgie et les traitements. Bien sûr, il vaut mieux que notre système immunitaire et notre moral soient bons lorsqu’on se bat contre le cancer, je ne le nie pas. Mais je trouve néfaste qu’on rende les malades responsables à ce point de leur maladie. Ça provoque, une culpabilité nocive, je crois. On se dit: «C’est ma faute si je ne guéris pas. Je ne suis pas assez combative, pas assez optimiste. Je n’ai pas fait ce que j’aurais dû faire.» Les médecins, eux, ne blâment jamais leurs patients quand ceux-ci ne triomphent pas de la maladie! Ils ne sont pas là pour leur faire la morale, mais pour les soigner. Je trouve d’ailleurs qu’on ne les entend pas assez dans les médias…

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Pendant mes traitements de chimiothérapie, j’ai vécu un grand moment de solitude: mon réseau d’amis a radicalement changé, j’ai eu très peu d’appels de mes collègues de travail, et ma famille n’a pas été aussi présente que je l’aurais souhaité. En plus, la personne avec qui j’étais depuis quelque temps m’a quittée, incapable de faire face à la situation. Et encore, ça n’a pas été la pire période! Au début, j’étais très concentrée sur mon combat contre la maladie. Je me soignais en gardant à l’esprit l’idée de reprendre ma vie exactement là où je l’avais laissée: j’occupais un poste-clé au sein d’une importante compagnie du domaine du spectacle quand j’ai reçu le diagnostic de cancer. J’étais une employée permanente depuis quelques années, après avoir longtemps travaillé comme contractuelle. J’adorais mon boulot, qui me permettait de voyager, de rencontrer des gens passionnants et d’être créative. Après 10 mois d’absence, j’ai donc retrouvé mon poste, avec la volonté d’être encore plus forte et plus performante qu’avant, comme pour me dire que le cancer n’avait été qu’une parenthèse dans ma vie.

En rentrant au bureau, j’ai vite constaté que personne n’avait décidé de souligner mon retour. Chacun faisait comme si rien ne s’était passé. Je comprends que la maladie mette les gens mal à l’aise, mais ce silence m’a profondément blessée. J’ai donc fait mon retour progressif de plusieurs semaines dans un climat un peu tendu. Puis, au bout de quelque temps, j’ai commencé à ressentir des symptômes que je ne comprenais pas: ménopause accélérée, chaleurs, anxiété, insomnie… Les médecins m’ont dit que j’avais des problèmes de glande thyroïde et que je subissais un stress post-traumatique à la suite de mon cancer et de la chimiothérapie. «Ton problème, c’est que tu te comportes en victime », m’a alors dit un collègue. J’aurais pu l’étrangler! Oui, j’ai été une victime: une victime du cancer. Ce n’est pas une question de comportement! Pour m’aider à m’ajuster à tout ce qui s’était produit, j’ai commencé à suivre une thérapie avec une psychologue spécialisée en oncologie (un centre de recherche sur le cancer du sein m’avait offert les consultations). Je me suis alors rendu compte que j’étais en train de faire une dépression. Puis, je suis allée rencontrer quelqu’un des ressources humaines pour tenter de trouver une solution au malaise que je ressentais dans l’équipe depuis mon retour. Ç’a été une grave erreur. Mon état de santé a été banalisé par la personne que j’ai vue, et des informations qui auraient dû rester confidentielles se sont probablement rendues en haut lieu. Mais je n’en serai jamais sûre… Quoi qu’il en soit, j’ai été congédiée. Le motif? Selon la direction, j’étais incapable de suivre le rythme d’expansion effréné de la compagnie. J’avais pourtant travaillé comme une forcenée depuis mon retour! J’ai eu l’impression de recevoir un coup de couteau dans le ventre.

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J’étais en rémission, mais tout ce qui s’était produit au travail m’avait plongée dans une véritable crise existentielle. Malgré moi, j’avais été influencée par le discours ambiant: je pensais qu’après avoir vaincu la maladie je serais une femme plus épanouie, plus heureuse. Une amie proche m’avait même dit: «Ça va te donner de la maturité.» Eh bien, pas du tout! Oui, mes valeurs ont changé depuis cette épreuve: la performance à tout prix au travail, notamment, est moins importante qu’avant à mes yeux. Mais dans la vie, je suis toujours aussi passionnée et impulsive qu’une adolescente!

Pour le meilleur et pour le pire, j’ai perdu beaucoup d’illusions, sur tous les plans – professionnel, amoureux, familial, amical… En entamant la cinquantaine, j’aurais peut-être fait cette prise de conscience de toute manière, mais la maladie a certainement accéléré le processus. Pour tout dire, je me serais passée de tous ces bouleversements… Depuis un an, je m’occupe vraiment de moi. Je mène une vie saine, à la campagne, et je suis plutôt bien dans ma peau. Je vis plus simplement qu’avant et je passe davantage de temps avec les gens que j’aime. Le travail n’est plus ma priorité. J’ai même décliné une offre d’emploi alléchante à Paris! Ça ne m’intéresse plus. J’en suis à l’étape où j’aimerais enseigner, transmettre quelque chose aux jeunes, leur passer le relais.

Apprendre qu’on est atteinte du cancer, c’est un grand choc qui nous renvoie à notre vulnérabilité. Mais le cancer, c’est une maladie, pas une punition. Et ce n’est certainement pas une belle occasion d’apprendre à se connaître! Alors j’insiste: non, souffrir de cette satanée maladie n’est pas la meilleure chose qui me soit arrivée. La meilleure chose qui pourrait m’arriver aujourd’hui, ce serait de rencontrer l’amour!

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