Le matin d’une réunion importante, passez-vous plus de temps devant le miroir? Pourriez-vous envisager de vous rendre à ce genre de rendez-vous sans prendre la peine d’appliquer du maquillage? Certaines femmes affirment qu’il leur donne la petite dose de confiance en soi qui leur manque parfois. Mais de là à dire qu’il peut changer l’issue d’une rencontre professionnelle…

Et pourtant. Il semble que les femmes sont perçues comme plus compétentes et dignes de confiance lorsqu’elles sont maquillées. C’est du moins ce qu’a révélé l’automne dernier une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Boston, commanditée par Procter & Gamble – le géant qui possède entre autres la ligne de maquillage CoverGirl.

Cette étude fait suite à de nombreuses recherches qui ont montré que les personnes belles donnent l’impression d’être honnêtes, intelligentes, ambitieuses, équilibrées et moins agressives. «C’est l’effet de "halo" de la beauté: nous attribuons des qualités positives aux gens qui ont un physique attirant», explique la Dre Sarah Vickery, chercheuse principale pour Procter & Gamble. «Ces analyses se concentrent sur les traits du visage. Puisque le maquillage rehausse les attributs qu’on juge instinctivement attrayants – que ce soit de grands yeux, des lèvres pulpeuses ou un teint uniforme -, nous voulions mesurer jusqu’à quel point il influençait lui aussi notre perception d’un individu.»

Au cours de l’étude, un groupe de 149 adultes (dont 61 hommes) ont observé des photos de 25 femmes de 20 à 50 ans, avec et sans maquillage, pendant 25 secondes chacune. Parallèlement, un autre groupe de 119 adultes (comprenant 30 hommes) s’est livré au même exercice sans limite de temps. L’ensemble des participants ont estimé de manière probante que ces femmes semblaient plus compétentes lorsqu’elles étaient maquillées que lorsqu’elles ne l’étaient pas. En d’autres mots, s’ils avaient été des employeurs, ils auraient été plus enclins à engager les candidates qui portaient du rouge à lèvres…

Être belle, c’est payant

«La beauté est un atout fabuleux», croit Marie-Claude Pelletier, présidente de l’agence de stylisme Les Effrontés, qui offre notamment un service de stylisme personnalisé aux gens d’affaires. En 2009, son entreprise a demandé à la firme Léger Marketing d’effectuer un sondage sur le poids des apparences en milieu de travail. La conclusion: 92 % des Québécois croient que l’image a un impact considérable sur la carrière. De plus, 65 % des répondants ont même avoué qu’au cours d’une rencontre professionnelle ils jugeaient leurs interlocuteurs en fonction de leur apparence.

Jean-François Amadieu, directeur de l’Observatoire des discriminations, à Paris, est formel: l’allure d’une personne a une incidence certaine sur le dénouement d’un entretien d’embauche. «Le physique d’un candidat influence autant la décision d’un employeur que le fait d’appartenir à une minorité visible. Le look vestimentaire compte aussi pour beaucoup», estime le sociologue français.

Non seulement les personnes de belle apparence ont plus de chances d’être engagées mais, selon l’économiste américain Daniel S. Hamermesh, elles peuvent aussi obtenir un meilleur salaire. Dans son ouvrage Beauty Pays: Why Attractive People Are More Successful, il affirmait qu’elles pouvaient s’attendre à gagner en moyenne 230 000 $ de plus, au cours de leur vie, que celles qui n’ont pas été gâtées par la nature.

 

Porter le masque

À compétences égales, les femmes doivent souvent redoubler d’efforts pour établir leur crédibilité auprès de leur employeur, surtout lorsqu’elles veulent accéder aux hautes sphères du pouvoir. Une étude menée par le Conference Board du Canada a révélé que les hommes sont deux fois plus susceptibles d’être promus à un poste de direction que leurs consoeurs. Plus préoccupant encore: au Canada, le nombre de femmes qui occupent un poste de gestionnaire intermédiaire n’a augmenté que d’à peine 4 % depuis 1987.

La psychanalyste française Marie-Louise Pierson croit que ce sont, encore aujourd’hui, les hommes qui dictent les règles du jeu dans la majorité des milieux professionnels. «Les femmes y sont jugées sur des critères masculins, comme la maîtrise de soi et de ses émotions», déploret- elle. Elles adoptent donc une identité professionnelle pour s’y conformer, par exemple en enfilant un tailleur ou en se maquillant. «Les vêtements et le maquillage peuvent être considérés comme des outils de séduction, mais ils sont également un moyen de contrôler l’image qu’on projette», poursuit celle qui a signé des ouvrages sur l’image de soi et qui anime des discussions sur la question.  

 

En appliquant des fards et du rouge à lèvres chaque matin, les femmes se composent en quelque sorte un masque, sans qu’elles en soient conscientes. «Par exemple, lorsqu’elles ont l’air épuisées parce que leurs enfants ont pleuré toute la nuit, elles camouflent les traces de fatigue pour que leurs collègues ne les voient pas», explique la psychanalyste. Une touche de cache-cerne compense le manque de sommeil en leur procurant un sentiment d’assurance. «Les jours où on se sent moche, on regarde à terre, on longe les murs et on a hâte que la journée finisse. J’exagère à peine!» renchérit Marie-Claude Pelletier. «Par contre, les journées où on se sent belle, notre démarche est plus assurée, on sourit, on regarde les gens dans les yeux… Tout ça influence la perception que les autres ont de nous.»

 

Le ferez-vous?

Angelina Jolie et Lady Gaga l’ont fait. Monica Bellucci et Sophie Marceau aussi. De même que Fabienne Larouche et Andrée Lachapelle, plus près de nous. Les stars sont de plus en plus nombreuses à paraître sans fard ni retouches dans les magazines ou dans les publicités. Au Québec, cette tendance a donné naissance à la Journée sans maquillage, qui s’est déroulée pour la première fois en mai 2010. Des milliers de Québécoises – y compris des ados! – ont délaissé le maquillage pendant 24 heures afin de réclamer qu’il ne soit pas un diktat, mais bien un choix.

Cette année, LA JOURNÉE SANS MAQUILLAGE SE DÉROULERA LE 6 JUIN. Pour souligner l’occasion, le documentaire Beautés démasquées, de Martine Asselin, sera diffusé à Canal Vie le 3 juin, à 17 h (en reprise le 4, à 23 h; le 6 à midi et 23 h; et le 9 à 21 h). L’animatrice Marie Plourde part à la rencontre d’une dizaine de femmes qui ont décidé de prendre part au mouvement à leur manière. Rouge fm, VRAK.TV, MusiquePlus et MusiMax proposeront également chacun de leur côté des initiatives liées à la Journée sans maquillage. Pour tout connaître de ces activités, rendez-vous à ellequebec.com/magazine.

 

 




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