Dans sa vie professionnelle comme dans ses amours, Mathilde ne s’embarrassait ni de préambule ni de questions. «Je suis une journaliste et une femme autonome, fonceuse, féministe. J’avais tendance à aborder ma vie amoureuse et le travail, comme une lionne!», dit-elle. Avec plus ou moins de bonheur côté coeur, semble-t-il… Jusqu’au jour où, son amie Gabrielle, assistante maternelle dans un centre de la petite enfance, lui conseille vivement de consulter un ouvrage publié en 1995. Les Américaines Ellen Fein et Sherrie Schneider livraient aux lectrices Les Règles (The Rules): Secrets pour capturer l’homme idéal et Comment attraper un mari en 35 leçons (Éditions Albin Michel).

Tout un programme. Les deux auteures recommandent notamment de ne jamais adresser la parole à un homme la première. Même pour proposer un café brûlant dans un lieu bien chaud? Eh oui! Le livre conseille aussi de ne pas partager l’addition au restaurant (c’est à l’homme que revient cet honneur), de ne pas l’inviter à danser, de ne pas lui téléphoner… et encore moins de le rappeler. Si vous avez votre (futur?) chéri au bout du fil, les minutes sont comptées: 10 au maximum… et vous raccrochez la première. «Moi qui avais tendance à parler des heures et des heures au téléphone, je ne me séparais plus de mon timer, avec lequel je minutais scrupuleusement nos conversations!», se souvient Gabrielle.

Alors âgée de 23 ans, la jeune femme voguait de relations catastrophiques en relations désespérées, avant de découvrir Les Règles des deux Américaines. «Ça me semblait bizarre de suivre leurs conseils, comme on le ferait pour des recettes dans un livre de cuisine, mais ils ont fait leurs preuves! Puisque c’est grâce à ces mêmes conseils que j’ai rencontré l’homme avec lequel je suis mariée depuis 10 ans. En plus, il ne s’est jamais rendu compte que c’était moi qui menais le jeu!» Comme Gabrielle, Mathilde a suivi les 35 règles de mesdames Fein et Schneider. Et, comme Gabrielle, elle a épousé il y a trois ans l’homme qui lui a servi de cobaye.

«D’une façon générale, cette approche repose sur l’idée suivante: les hommes sont des chasseurs, des prédateurs, et les femmes ont tout intérêt à les laisser exprimer leur virilité. Ça les valorise et ils aiment ça. Ils se sentent hommes», constate la journaliste de 33 ans.

Certaines amies de Gabrielle lui ont reproché de nuire à l’image des femmes fortes et indépendantes d’aujourd’hui. Qu’importe! La jeune assistante maternelle persiste et signe: «Je suis consciente du pouvoir que j’exerce sur un homme. Quelque part, je sais que c’est moi qui mène le jeu. L’homme est un chasseur: je l’accepte. Je ne le combats pas et j’embarque dans la guerre! Et qu’elles ne me parlent pas de jeu tordu!»

Un constat qui ferait hurler de rage toutes les femmes modernes et émancipées de ce monde et pour lesquelles ces règles de drague à la manière de «Pôpa-Môman» – voire grand-papa et grand-maman – seraient plutôt le signe d’un retour en arrière! La psychologue Lise Boudreault n’est pas si catégorique: «La séduction, c’est très compliqué! Aujourd’hui, les femmes gagnent leur vie autant, si ce n’est plus, que les hommes. Elles sont indépendantes. Pourtant, les vieux modèles, comme au temps de nos parents et grands-parents, persistent toujours. C’est-à-dire qu’on n’a pas tellement réussi à changer un homme… qui reste toujours un homme, avec son rôle d’homme à jouer.» La psychologue spécialisée en relations de couple croit qu’«avec l’évolution actuelle des femmes, on n’est pas encore parvenues à leur donner un cadre dans lequel ils [les hommes] sauraient quoi faire et comment.»

Alors? Efficaces ou non, ces vieilles méthodes de drague? «Il faut d’abord être sûre de soi et à l’aise de les appliquer, croit Mathilde. Et tout dépend du type de relation qu’on recherche. Si on désire une relation stable et à long terme, il faut prendre en considération ces 35 règles. Mais pour les femmes qui gèrent leur vie amoureuse comme leur vie professionnelle, c’est à oublier.»