Karine partage sa vie avec Jean-François depuis dix ans. Ce dernier vit également une relation avec Annie depuis sept ans. Le trio caresse même le projet de vivre dans une maison inspirée du style intergénérationnel afin que chacune des filles ait sa zone d’intimité et que leur relation ensemble soit facilitée.

«C’est Jean-François qui a introduit Annie dans ma vie. Au début, je la voyais comme une rivale parce qu’elle était très différente de moi; j’avais l’impression qu’elle me volerait mon chum. Je l’ai même détestée pendant des années, jusqu’à ce que je me dise que ça ne donnait rien de lutter contre elle. Sa relation avec mon conjoint ne changeait pas celle que j’avais avec lui. Et puis, lentement, j’ai travaillé sur moi-même afin d’analyser mes sentiments et de comprendre mon partenaire. Je suis désormais en paix avec ma décision d’être restée avec Jean-François et sereine par rapport à ce que nous vivons. Avec le temps, Annie et moi avons appris à nous connaître et, finalement, nous nous complétons bien dans nos différences!»

L’amour à plusieurs

Polyamoureux est le mot qui désigne les personnes engagées amoureusement avec plusieurs partenaires à la fois. Elles ont la capacité de vivre une relation sentimentale honnête, franche et assumée avec eux, peu importe le sexe. Attention! On ne parle pas ici de polygamie, qui fait plutôt et en général référence aux hommes qui se marient avec plusieurs femmes sans que celles-ci aient la même possibilité.

Le polyamour permet aux femmes autant qu’aux hommes de vivre plusieurs amours à la fois. Les relations prennent différentes formes; il n’y a donc pas de modèle prédéfini pour vivre ce type de liaison. L’important, c’est que chaque couple trouve une façon de fonctionner qui convient à tous les membres engagés et que les règles évoluent au fil du temps selon les besoins de chacun.

Polyamour

Le terme polyamour, qui veut littéralement dire «plusieurs amours», est d’abord apparu aux États-Unis (polyamory) et en France, surtout porté par l’auteure Françoise Simpère, qui milite pour le promouvoir depuis plus de 30 ans.

Pour Annie, 40 ans, qui a su dès son jeune âge qu’elle ne pourrait aimer un seul homme à la fois, ça a été un véritable soulagement de mettre un mot sur son style de vie. «Je me suis toujours sentie instable, presque folle. Quand j’ai découvert le terme polyamoureux, il y a six ans, ça m’a beaucoup apaisée d’enfin mieux comprendre ce que j’étais.»

Moi, jalouse?

Qu’en est-il de la jalousie? Françoise Simpère, auteure du Guide des amours plurielles, estime que ce sentiment a sa place chez les polyamoureux. «Au lieu de se laisser dominer par elle ou de la combattre désespérément, ils l’apprivoisent et cultivent leur confiance en eux-mêmes et en l’autre. Cela leur permet peu à peu de l’atténuer, puis de l’éliminer sans qu’elle se transforme en indifférence», soutient-elle.

Pour arriver à vivre pleinement sa relation, on doit être capable de reconnaître que l’autre existe en dehors de soi. Il faut aussi savoir s’épanouir autrement qu’à travers le regard de son ou ses partenaires. Les polyamoureux ont ceci de particulier: ils ont la capacité à éprouver du plaisir et de la joie pour un partenaire qui vit quelque chose d’agréable avec quelqu’un d’autre.

Et les enfants dans tout ça?

Il est préférable de garder une certaine réserve quant à son style de vie amoureux, du moins tant et aussi longtemps qu’on juge qu’ils n’ont pas assez de maturité pour comprendre ce qui se passe. Les enfants posent en général des questions à mesure que leur développement leur permet d’en comprendre les réponses.

Denise, 51 ans, a grandi avec des parents polyamoureux. Ce n’est qu’à l’âge de 16 ans qu’elle a pris conscience de la nature de leur relation, lors d’une dispute qui a éclaté entre eux. «À ce moment-là, je me disais qu’on faisait partie de l’élite et que ce type de relation était un privilège auquel peu de gens avaient accès», se souvient-elle.

Jean-François Villeneuve, fondateur de l’Association québécoise des polyamoureux, rappelle qu’on doit être à l’écoute de ses enfants. «Il faut comprendre de quel genre d’information ils ont besoin et à quel moment. Ce n’est pas nécessaire de tout leur expliquer d’un coup. Il importe aussi de déterminer les détails qu’on souhaite leur transmettre en tant que parent, et que cet échange se fasse dans le respect de tous les membres impliqués», soutient-il.

Même s’ils sont encore marginaux au Québec (aucune statistique ne répertorie leur nombre dans la province ni même dans le pays), les polyamoureux québécois peuvent compter sur l’appui d’une association leur étant dédiée. L’organisme propose des ateliers mensuels qui leur permettent de s’informer et de discuter.

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