Elle est Québécoise, il est Algérien. Avant de se rencontrer, elle avait deux enfants d’un précédent mariage et il vivait encore chez ses parents. Ils sont maintenant mariés, ont une maison et un jeune garçon de trois ans. En plus des aléas habituels auxquels sont confrontés une famille recomposée et un couple ayant un écart d’âge de 10 ans, ils doivent surmonter les obstacles liés à leurs différences culturelles.

«J’ai rencontré Zyad sur le Web en 2005. Quand j’ai su qu’il était Arabe, j’ai dû combattre mes propres préjugés avant d’aller plus loin, avoue Élizabeth. Par la suite, j’ai divorcé et annoncé à mes proches mon désir d’aller retrouver mon beau prince chez lui. Ils m’ont tous dit que j’étais en dépression, que la trentaine ne m’allait pas, que j’y laisserais ma vie et que je ne reviendrais jamais. Comme beaucoup de monde, mes parents avaient d’énormes préjugés envers les Arabes depuis les attentats du 11 septembre 2001. C’est donc avec la plus grande peur du monde qu’ils ont accepté mon choix d’aller retrouver mon amoureux.»

Respecter les valeurs de chacun

Pour que le couple fonctionne, la psychologue Louisa Aubé soutient qu’il faut s’entendre sur la manière d’être en général, la dimension spirituelle, l’éducation et l’argent. «Nos valeurs sont à la base de nos décisions et de nos choix concrets au quotidien, tandis que la dimension spirituelle est plutôt reliée à notre façon de voir la vie. Les couples mixtes partagent d’emblée certaines valeurs fondamentales comme l’ouverture sur le monde et le respect, mais s’adapter à la dimension spirituelle du partenaire est souvent plus difficile. On doit accepter les différences de l’autre, mais aussi se respecter fondamentalement. Une personne dépendante affective pourrait facilement nier ses valeurs pour rester en couple. Elle pourrait se convertir à la religion de son conjoint sans réelle motivation ou encore mettre de côté des traditions de sa propre culture auxquelles elle tenait vraiment», explique-t-elle.

Le poids de la famille qui s’oppose à l’union s’est ajouté à des choix difficiles pour le couple d’Élizabeth et Zyad.

«Nous avons discuté de nos valeurs et de la religion par Internet et lors de nos voyages, raconte Élizabeth. J’avoue que je me suis convertie à l’islam pour le mariage seulement. Je ne suis pas très croyante et je ne fais pas le ramadan. En fait, la religion m’importe peu. Nous avons décidé que notre fils serait musulman, mais qu’il aurait deux cultures. Par exemple, nous fêtons Noël et l’Aïd, la fête sacrée musulmane, et nous soulignons autant les fêtes païennes que les célébrations religieuses catholiques, mais sans mettre l’accent sur l’aspect mystique. À la maison, il n’y a pas d’alcool ni de porc. Nous mangeons des viandes halal, c’est-à-dire qui respectent les prescriptions musulmanes. Je dois avouer que c’est ce que je trouve le plus difficile», raconte Élizabeth, qui se dit tout de même satisfaite des compromis adoptés par son couple.

L’importance des valeurs communes

Pour Anna et Éric, l’adaptation a été plus facile. Le Québécois a rencontré la jolie Mexicaine dans le cadre de son travail. «Je n’ai jamais eu l’impression que nous étions un couple mixte. Quand je pense à Anna, je me dis qu’elle est la Québécoise qu’il me fallait, lance-t-il en riant. Notre relation fonctionne probablement parce que je suis plutôt conservateur pour un Québécois et qu’elle est progressiste pour une Mexicaine.»

«Certaines cultures se rapprochent beaucoup de la nôtre», explique Louisa Aubé, qui précise qu’il existe des différences qui ne nous obligent pas à remettre en question les fondements mêmes de notre éducation. D’autres sont cependant moins susceptibles de permettre le compromis. «La polygamie, par exemple, est difficilement compatible avec nos valeurs», indique-t-elle.

Au quotidien, plusieurs ajustements ont été nécessaires du côté d’Élizabeth et Zyad. «Zyad ne m’a jamais demandé de porter le hijab, de faire la prière ou d’aller à la mosquée. Mais il n’aime pas que je sorte avec des jupes trop courtes, et il n’apprécie pas les tatouages, alors que j’en ai deux. Une grande adaptation a dû se faire sur le plan des tâches domestiques. Il a débarqué chez une femme plus âgée qui savait où elle allait avec ses deux ados! Il a dû apprendre à faire la vaisselle et à passer l’aspirateur. Avec mes enfants aussi, ça a été difficile. Zyad désapprouvait leur langage et leurs vêtements. Il a dû accepter leurs différences et comprendre que je n’allais pas les changer.»

Maturité affective nécessaire

Pour vivre dans un couple mixte, on doit non seulement faire preuve d’ouverture d’esprit et partager des valeurs communes, mais aussi posséder une grande maturité affective. «Il faut avoir la capacité de se remettre en question, d’échanger, de trouver des terrains d’entente et des solutions positives aux divergences et désaccords. Les différences doivent devenir des tremplins et non pas quelque chose qui sépare», explique la psychologue.

«Anna et moi croyons qu’un individu doit s’accomplir à travers le couple, le travail et les amis. Pour nous, tout le reste peut s’arranger. Par exemple, quand elle souligne le jour des Morts à la maison en allumant une bougie qu’elle place près de la photo de ses défunts avec des biscuits, je la laisse faire. Même si je ne suis pas sa tradition, je la respecte, confie Éric. Et pour ce qui concerne les désaccords plus épineux avec les beaux-parents, la barrière de la langue est très pratique. J’ai vite appris à oublier mon espagnol quand il le faut», lance-t-il à la blague.