La première fois que j’ai vu ma copine Marie-Ève en maillot sur la plage, j’ai oublié de la regarder dans les yeux. Avec sa taille de 1,80 m et sa carrure de nageuse allemande, elle n’avait pas vraiment le gabarit d’une égérie de Victoria’s Secret. Et pourtant, quelle bombe! L’effet volcanique qu’elle produisait en deux-pièces tenait bien sûr à ses proportions de rêve (longues jambes, taille fine, poitrine fabuleuse), mais aussi, et surtout, à son attitude. Droite comme un i et gracieuse comme une danseuse de ballet, elle dégageait un aplomb naturel qui faisait tourner toutes les têtes. «Pour moi, il existe deux types d’hommes, m’a-t-elle confié plus tard: ceux qui aiment les filles grandes et fortes comme moi, et ceux qui ne les aiment pas. Alors, j’ai décidé de me concentrer sur les premiers et d’apprendre à me libérer de mes complexes.»

Ce n’est pas banal. Parce que si j’ai compris une chose au fil des années passées à travailler pour un magazine féminin, c’est que la plupart des femmes entretiennent un drôle de rapport amour-haine avec leur corps… et qu’un inoffensif bikini cristallise souvent toutes leurs incertitudes. Même son de cloche du côté de Chantal Lévesque, la fondatrice de la marque de maillots Shan. «Ça fait 30 ans que je vois passer les clientes dans nos salles d’essayage, dit-elle, et ça fait 30 ans que j’observe à quel point elles sont critiques envers elles-mêmes! Elles ne se rendent pas compte qu’elles sont souvent les seules à remarquer leurs petits défauts…»

> «J’ai posé en maillot de bain pour le ELLE!»

D’ailleurs, convaincre trois jeunes femmes qui ne sont pas des mannequins professionnelles de poser pour nous en maillot n’a pas été une sinécure! «J’ai failli refuser sans même y réfléchir, m’a confié Simone Fortin, 24 ans, une des trois filles photographiées pour cet article. Puis, je me suis dit que cette expérience cadrait avec le message que je tente de faire passer sur mon blogue, Chic Tonique: je dis toujours aux lectrices de s’accepter telles qu’elles sont, alors, à mon tour de prouver que je suis capable de le faire!» Jolie preuve d’audace! À nous maintenant d’en faire autant, en nous répétant ces cinq mantras.

somone-fortin-maillot.jpg1. La perfection n’existe pas

Des beautés fatales chichement vêtues, notre rédacteur en chef mode, Denis Desro, en a côtoyé des centaines. Son constat, après avoir réalisé des dizaines de reportages photo avec des mannequins en tout petit bikini? «Même les filles considérées comme des canons de beauté sont sévères envers elles-mêmes. Elles se jugent beaucoup plus durement que ne le ferait un observateur extérieur.» Kim Cloutier – une mannequin québécoise très prisée dans l’univers de la lingerie – le confirme: «Aucune femme ne se dit qu’elle ne changerait absolument rien à son physique, pas même une top modèle. Il y a toujours une fille plus belle que nous, et du coup, on se remet en question… C’est normal. Je pense qu’on est toutes comme ça!»

À en croire Chantal Lévesque, qui exporte ses maillots aux quatre coins du monde, nous aurions à peu près toutes les mêmes névroses, que nous venions du Québec, de la Russie ou des Pays-Bas, que nous soyons ronde ou filiforme. «Partout, dit-elle, les femmes ont tendance à se sentir vulnérables en bikini, à vouloir camoufler tel ou tel détail de leur silhouette…» Les seules qui éviteraient de s’autoflageller? Les Latino-Américaines. «Même quand elles ont de la cellulite, elles ne s’empêchent pas de porter le string! s’exclame Chantal Lévesque. Les latinas se trouvent belles telles qu’elles sont!» Peut-être que leur éternel été y est pour quelque chose…

2. Oui, nous sommes pudiques. et alors?

Nadine Landry passe ses journées en sous-vêtements. Sa profession: mannequin d’essayage. Dotée de mensurations «moyennes» (elle porte la taille 6), elle sert de modèle aux fabricants de vêtements d’ici, qui ajustent leurs patrons sur elle avant de passer leurs commandes à l’étranger. «Mon corps est mon outil de travail, alors j’en suis parfaitement détachée. » Pourtant, même si elle a l’habitude de se balader en petite tenue devant des patronistes et des couturières, elle a eu du mal à adopter le monokini lors d’un récent séjour à Saint-Martin: «Ça m’a pris deux jours pour enlever mon soutien-gorge… Ça se voyait que je venais d’Amérique du Nord!»

> Choisir son maillot de bain selon sa silhouette

Entre les Européennes et les Nord-Américaines, les différences culturelles se manifesteraient jusque dans les microdétails de confection. «En Europe, les culottes dévoilent toute la pomme de la fesse, tandis qu’ici, elles sont beaucoup plus couvrantes, constate Nadine. Quant aux soutiens-gorge, les Canadiennes préfèrent les modèles à armatures bien rembourrées, parce qu’elles ne veulent surtout pas qu’on voie leurs mamelons à travers le tissu.» Cela dit, ce n’est pas parce qu’on révèle moins de centimètres carrés de peau qu’on est moins sexy! «La quantité de tissu d’un maillot n’a rien à voir avec le sexappeal de celle qui le porte, confirme Denis Desro. Cette saison, par exemple, le une-pièce zippé jusqu’au cou est très tendance. Il ne dévoile presque rien, mais il est hyper séduisant parce qu’il met l’accent sur les épaules et la silhouette.»

gaelle-leroyer-maillot.jpg3. C’est l’attitude qui compte

«Il y a des femmes qui n’ont pas le poids idéal, mais qui ont confiance en elles quand elles portent un maillot, dit Chantal Lévesque, de Shan. Ça se sent.» Gaëlle Leroyer, 29 ans, est du même avis: «Le truc que j’ai trouvé pour me sentir mieux dans ma peau, c’est de faire du sport. Pas pour maigrir, mais pour nourrir à la fois mon corps et mon esprit. Quand je me sens bien, ça se voit.» Pour le reste, les fabricants de maillots sont là pour nous aider. Le conseil de Chantal Lévesque? Cesser de vouloir cacher ses défauts et miser sur ses atouts! «Celles qui ont une culotte de cheval choisissent souvent un bas très couvrant pour la camoufler. C’est la mauvaise méthode! Au contraire, il faut porter une miniculotte pour attirer le regard ailleurs! Ou alors mettre l’accent sur sa superbe poitrine, sa superbe chute de reins… Chacune de nous a quelque chose de magnifique. Il suffit de trouver le maillot qui le révélera.»

4. Tricher, c’est permis

Les experts s’entendent sur une chose: les tailles proposées dans les magasins n’ont plus rien d’absolu. Les coupes et les patrons varient d’une marque ou d’un modèle à l’autre. Alors, pourquoi être complexée par une lettre ou un chiffre sur une étiquette? «Quand on porte un vêtement, personne ne peut voir si c’est un small, un medium ou un extra large», affirme ma copine Marie-Ève, devenue experte dans l’art d’avantager sa silhouette. Alors que si on porte une culotte de maillot trop serrée, tout le monde peut voir que ça nous fait un muffin top!» Sa solution? Acheter des pièces légèrement trop grandes, puis les reprendre à la machine à coudre pour obtenir le tombé parfait. Ni vu ni connu.

5. Nous sommes toutes pareilles

«Avant d’aller à la plage pour la première fois de la saison, je suis toujours un peu nerveuse», avoue notre directrice artistique, Nancy Pavan. «Mais une fois sur place, je réalise à quel point nous sommes tous semblables.» Elle se souvient d’ailleurs d’une expérience marquante lors du passage du photographe Spencer Tunick à Montréal il y a quelques années. Elle avait posé nue pour lui, parmi des milliers d’autres volontaires, en plein centre-ville. «Je me rappelle avoir ressenti une communion totale une fois que j’ai été toute nue. On formait une mer de seins, de fesses… qui n’avaient pas tous la même grosseur, mais qui se ressemblaient, au fond. Ça m’a drôlement décomplexée!»

Poser en maillot pour un magazine, c’est tout un défi! Lisez le témoignage des trois filles qui ont osé s’afficher dans nos pages!

Photos: Mélanie Garcia, 33 ans, styliste de mode et artiste visuelle (melaniegarciablog.blogspot.com); Simone Fortin, 24 ans, blogueuse (chictonique.com); Gaëlle Leroyer, 29 ans, blogueuse (gaelleleroyer.blogspot.com).

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