Ils se font reconnaître dans la rue, obtiennent le privilège de s’asseoir en première rangée des défilés, sont conviés à toutes sortes de mondanités, lorsqu’ils ne parcourent pas la planète pour dénicher la dernière tendance… Qui aurait cru qu’une poignée de blogueurs, aussi anonymes que passionnés de mode, deviendrait en quelques années la référence en matière de style?

Certains sont même devenus de véritables célébrités, si bien que le magazine Vogue, la bible de toutes les fashionistas, consacrait en mars dernier un reportage complet aux Garance Doré, Yvan Rodic (alias The Face Hunter) et Tommy Ton (alias Jak & Jil) de ce monde. Si l’on considère le nombre impressionnant de blogueurs qui assistaient à la 18e édition de la Semaine de mode de Montréal, ici non plus le blogue n’est pas près de passer de mode!

Des passionnées de mode

«Bon la manucure fout le camp», lisait-on sur la page Twitter de CindyLou au jour 2 de la Semaine de mode de Montréal. Pas surprenant: à chaque défilé, on pouvait voir la blogueuse de Mode-Trotter pianoter sur son iPhone. «Wow super combi pantalon harem à carreaux. J’adore!» écrivait-elle en plein défilé de Bodybag, au plus grand plaisir de tous ses followers qui pouvaient apprécier, par procuration, les créations de la griffe montréalaise – et même les contempler via ses Twitpics. Rencontrée entre deux défilés, celle qui travaille comme designer de mode confie que son blogue lui permet de vivre sa passion à fond et que tout son temps libre y passe.

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«Je consacre environ 15 heures par semaine à mon blogue, et c’est sans compter les événements auxquels j’assiste et le temps que je passe sur mes pages Facebook et Twitter!» comptabilise quant à elle Audrey, alias Missaa, de Elle M la mode.

Cette amoureuse de la mode considère d’ailleurs que le temps investi dans ces différents médias sociaux augmente considérablement le trafic sur son site. S’il faut être passionnée pour consacrer autant de temps à une activité non rémunérée, cet investissement en vaut parfois la chandelle. En lançant son blogue, l’an dernier à pareille date, tout juste après avoir assisté à son tout premier défilé, Audrey n’aurait jamais soupçonné que la rédactrice en chef du Magazine Urbain lui proposerait de devenir l’une de ses collaboratrices. Aujourd’hui, c’est grâce à son passe-temps favori que la blogueuse de 23 ans gagne sa vie à titre de rédactrice mode pour le site web de ce magazine.

Les blogueurs à l’avant-scène

CindyLou et Audrey font partie d’une petite communauté de blogueurs qui compte, entre autres, Une Parisienne à Montréal, Jeans & Stilettos et Montreal Instyle. «On se voit aux événements, on se suit sur Twitter et on est des amis Facebook, lance Audrey. Même si on traite du même contenu, on le fait toujours de manière différente, selon notre personnalité.»

Si jadis les blogueurs devaient solliciter une invitation pour assister aux événements de presse, ils figurent désormais dans le carnet d’adresses des relationnistes. «Ils savent que si j’assiste à un événement, dans 95 % des cas, je le mentionnerai sur mon blogue dans les 48 heures qui suivent, contrairement à un magazine qui ne publiera l’information que dans quelques mois, ou peut-être même jamais», affirme Audrey.

Depuis deux ans, les organisateurs de la Semaine de mode de Montréal suivent aussi la tendance et convient les blogueurs à leurs célébrations biannuelles de la mode. Chantal Durivage, coprésidente de Sensation mode, croit d’ailleurs que le caractère instantané de ce média est idéal pour créer un buzz autour d’un défilé. Si on a pu apercevoir au cours de la semaine des blogueurs assis en première rangée, ceux-ci ne sont pas nécessairement les bienvenus à tous les défilés. «Certains créateurs sont très ouverts à l’idée d’inviter des blogueurs à leur défilé, tandis que d’autres le sont moins. Ils considèrent que leur clientèle consultera davantage les médias traditionnels», explique Chantal Durivage.

 

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Une guerre entre les journalistes et les blogueurs? 

En janvier dernier, pendant la Semaine de mode de Paris, Tavi Gevinson, l’excentrique blogueuse américaine de 13 ans, prenait place à la première rangée du défilé de haute couture de Christian Dior.

Reléguée au second rang, la rédactrice mode Paula Reed, du magazine britannique Grazia, publiait sur Twitter une photo correspondant à son champ de vision pendant le défilé: l’énorme boucle surplombant la tête de l’adolescente! Il n’en fallait pas plus pour raviver la rivalité entre les journalistes et les blogueurs.

Des journalistes ont reproché aux blogueurs de régurgiter sur leur site les communiqués de presse et d’assister aux événements médiatiques uniquement pour recevoir des produits gratuits. Les blogueurs ont riposté que le contenu éditorial des magazines favorisait très souvent leurs annonceurs. Bref, l’encre a beaucoup coulé et de nombreux Twits se sont envolés…

Selon Anthony Mitropoulous, adjoint au rédacteur en chef mode de ELLE QUÉBEC et de ELLE CANADA, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait une compétition entre ces deux médias complémentaires. «Un magazine de mode a pour mission de couvrir globalement les tendances, tandis qu’un blogue posera un regard très personnel sur celles-ci», considère-t-il. Il convient toutefois que les blogues sont des outils de marketing efficaces pour toucher un public cible précis. Les compagnies de marketing, on s’en doute, ont flairé la bonne affaire… et sollicitent de plus en plus les blogueurs mode dans leurs stratégies.

En organisant un concours international donnant la chance à des blogueurs de couvrir leur défilé lors de la Semaine de mode de New York, il est évident qu’une marque comme G-Star s’assurait une visibilité non négligeable. Mais on ne peut certainement pas reprocher à une passionnée de mode comme CindyLou, l’une des quatre gagnantes du concours, d’avoir été emballée par son expérience et de l’avoir partagée avec ses lecteurs. «On bloguait, on twittait, on facebookait, on photographiait tout ce qui se passait backstage», s’exclame-t-elle. CindyLou assure toutefois qu’elle ne traite sur son blogue que de ce qui l’intéresse vraiment. Selon elle, la force du blogue est cette relation de pair à pair qui relie le blogueur à ses lecteurs.

«C’est un peu comme si je conseillais un produit que j’ai aimé à une bonne amie», soutient-elle. Anthony Mitropoulous croit justement que le dernier mot revient au lecteur. «Il y a tellement de contenu gratuit sur Internet, que les blogues qui ne font qu’encenser certaines marques risquent de perdre leur crédibilité auprès des lecteurs. Les blogues qui vont durer sont plutôt ceux qui ont quelque chose de pertinent à dire et proposent une vision qui se distingue des autres», conclut-il.

 

Carnet d’adresses:

Garance Doré (garancedore.fr)

The Face Hunter (facehunter.blogspot.com)

Jak & Jil (jakandjil.com)

Mode-Trotter (modetrotterblog.com)

Une Parisienne à Montréal (uneparisienneamontreal.com)

Jeans & Stilettos (jeans-et-stilettos.com)

Montreal Instyle (montrealinstyle.com)

Tavi Gevinson (thestylerookie.com)

 

 

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