Vous avez été choisie par Garance Doré pour faire partie des 8 designers qui présenteront leur collection au Festival Mode & Design. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

Tout d’abord, Garance Doré est une personnalité importante dans le milieu de la mode. Elle incarne un certain regard que je qualifierais de contemporain. Comme elle est dans une niche un peu plus commerciale, j’avoue que j’ai trouvé surprenant qu’elle me choisisse, dans le sens où j’ai l’habitude de travailler sur des projets plutôt conceptuels. Mais je suis ravie de participer au Festival Mode et Design, d’autant plus que j’aime beaucoup Chantal Durivage et Jean-François Daviau (ndlr: les fondateurs du groupe Sensation Mode et organisateurs du FMD) qui sont des personnes-clés du milieu de la mode montréalaise. Ceci dit, et même si je ne nommerai personne, je ne peux pas m’empêcher de penser que certains vont briller par leur absence. La sélection est un peu surprenante.

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Vous avez grandi entre la Suisse et le Québec. Quel lien vous unit à Montréal?

Montréal, c’est chez moi, c’est ma ville. Je l’ai découverte tard, à 19 ans, mais j’y ai vécu 20 ans. Pour moi, c’est la ville de tous les possibles car c’est une métropole ouverte, jeune et pleine de fraîcheur. Aujourd’hui, je suis de retour à Genève pour la prochaine année à cause du travail.

Pourquoi? Est-ce plus difficile de travailler dans la mode au Québec?

C’est difficile partout à vrai dire. Parmi mes étudiants anglais, suisses ou français, la plupart se déracinent pour trouver un travail.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours?

J’ai étudié la mode en Suisse, à l’école où je travaille aujourd’hui en tant que professeur (ndlr: elle dirige le département Design mode et accessoire à la Haute École art et design de Genève) mais j’ai terminé ma formation académique de mode à l’UQAM. Entre temps, j’ai effectué une maîtrise en médias interactifs, à l’UQAM également. C’est là que j’ai rencontré Simon Laroche, designer en robotique et mon fidèle collaborateur puisque je travaille avec lui sur tous mes projets depuis lors. Même si j’ai travaillé pour plusieurs marques de mode, en Chine et à Paris, l’UQAM m’a offert très tôt un poste de professeure. J’œuvre dans l’enseignement depuis maintenant 10 ans.

2-science-is-fiction-Dominique-L.jpgL’enseignement est une toute autre facette de la mode. Cela vous plaît-il?

Oui, ça me plaît beaucoup car j’apprends sans cesse de mes étudiants. D’ailleurs, Garance Doré est leur idole! L’UQAM m’a également beaucoup soutenue durant ces dix dernières années. J’ai toujours travaillé sur mes projets avec mes assistants-étudiants de l’école de mode. D’ailleurs, entre mes cours et mes projets, je passais mon temps là-bas. J’ai donc une relation très fusionnelle avec l’UQAM. C’est un milieu que j’aime beaucoup. Maintenant, j’ai une crainte qui me suit, matérialisée par une phrase dont je ne me souviens plus de l’auteur et qui dit: "When you can’t do, you teach»*. L’idée d’enseigner son métier quand on ne peut plus le pratiquer est quelque chose qui m’effraie énormément. C’est pour ça que j’ai toujours continué à travailler sur mes projets en parallèle.

* «Ce qu’on ne fait pas, on l’enseigne.» (Traduction libre)

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Qu’est-ce qui vous inspire?

De petites choses, des détails subtils. Ce qui m’intéresse est souvent immatériel, intangible, évanescent, comme un regard, une respiration ou une balade. J’essaie de capter ce qui est souvent ignoré ou négligé dans la vie de tous les jours. Je pense que ma maîtrise en médias interactifs m’a donné pour habitude de voir de l’interaction dans tout, de faire attention à ce qui unit les choses entre elles.

Pouvez-vous nous parler de la collection que vous allez présenter au FMD?

Je vais présenter 9 looks, certains inédits et d’autres qui ont déjà été exposés. Tout tourne encore une fois autour de la notion d’intangible. Ainsi, certains vêtements réagissent au son ou au mouvement, grâce à des senseurs de proximité. La plupart des pièces sont interactives mais pas toutes. D’ailleurs, je ne veux pas qu’on me colle l’étiquette de la designer qui crée «des vêtements qui bougent» parce que ce n’est pas du tout ça mais il se trouve que ça fait partie de mon univers.

Photo mannequin: Dominique Lafond

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