Les fanatiques de cosmétiques et les adeptes des blogues beauté ont le regard rivé vers l’est depuis quelques années. Les grandes marques aussi. Elles savent que, maintenant, les ingrédients tout-puissants, les textures étonnantes et les emballages à la fine pointe de la technologie naissent en Asie – souvent en Corée du Sud – avant de venir révolutionner nos propres routines de soins.

La déferlante est réelle, qu’il s’agisse des produits Shiseido, SK-II, Clé de Peau ou Shu Uemura – qui sont arrivés d’Extrême-Orient il y a une quinzaine d’années pour séduire nos épidermes avec leurs promesses de peau zéro défaut – ou qu’il s’agisse des versions adaptées de ces formules par les grandes marques européennes et nord-américaines. Des sièges sociaux de multinationales, telles que L’Oréal, s’installent du côté de l’océan Pacifique (à Shanghai notamment), où la R et D est en pleine ébullition. De l’avis de plusieurs observateurs, Séoul serait d’ailleurs le nouveau Paris, la destination par excellence du savoir-faire en matière de beauté.

Pensons par exemple à la crème BB, qui a été inventée en Allemagne à la fin des années 1960, mais commercialisée à large échelle en Corée dès 2001 et dont le premier tube est apparu sous nos latitudes 10 ans plus tard. Dès lors, entre 2011 et 2012, les ventes de cet hybride – qui combine un soin et un fond de teint – sont passées de 2 millions à 37 millions de dollars aux États-Unis.

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Et que dire des nouvelles étapes qui s’ajoutent presque chaque année à notre rituel de soins: elles sont directement importées d’Asie, elles aussi! Forcément, notre routine traditionnelle en trois étapes (nettoyant, lotion tonique, hydratant) a subi une cure de jouvence à l’orientale. D’abord, les sérums et les huiles démaquillantes se sont invités dans nos chaumières, puis ç’a été au tour des essences, qu’on applique après le nettoyage mais avant le sérum, afin de reconstituer le film lipidique de la peau. À cet égard, signalons le lancement nord-américain récent de l’essence Life plankton, de Biotherm: une substance liquide un brin gélatineuse qui renferme des extraits concentrés du fameux plancton thermal de la source française qui a donné naissance à la marque Biotherm. Le flacon bleu lagon, qui a été lancé sur le marché asiatique au printemps 2014, a tellement fait fureur qu’il s’en est vendu 142 000 entre juin et novembre derniers, hissant la compagnie au troisième rang des ventes de cosmétiques en Asie. (67 $; biotherm.ca)

Exigences nipponnes et coréennes

L’explication de notre engouement pour les petits pots et les innovations cosmétiques en provenance d’Asie ne saurait se résumer à une simple affaire de publicité bien orchestrée. «Le continent asiatique, plus particulièrement la Corée du Sud, est un centre d’inspiration pour le monde entier sur plusieurs plans, et ce, depuis le début des années 2000», affirme Aline Belda, directrice marketing de Lancôme international pour l’Asie. Qu’on parle de sport (36 golfeuses professionnelles asiatiques figurent au top 100 mondial), de musique (l’inévitable Gangnam style) ou encore de «débridage» des yeux (c’est le cadeau qui est généralement offert aux jeunes filles pour leurs 18 ans), l’Asie en général et la Corée du Sud en particulier exercent une influence certaine. Astrid Desmons, directrice pour la Chine de la compagnie de soins française Bioderma, ajoute: «L’Asie est un continent où les femmes observent un rituel de beauté extrêmement sophistiqué. Le marché coréen est très au courant des tendances et très innovant. Les Japonais, eux, sont passés maîtres dans l’art d’inventer des textures évanescentes et soyeuses pour répondre aux attentes élevées des consommatrices à la peau sensible, qui sont en quête de formules efficaces et ultraconfortables.»  

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Il faut croire, en effet, que l’exigence nipponne tout comme la créativité coréenne font naître la crème de la crème. Florence Bernardin, fondatrice d’Information & Inspiration, une entreprise qui étudie les habitudes de consommation au Japon, en Chine et en Corée, explique les liens profonds qui existent entre les interminables routines de beauté (jusqu’à 10 étapes de soins en Corée avant le dodo) et la tradition bouddhiste, notamment: «En Asie, les femmes se font un double nettoyage du visage. Cette gestuelle, qui utilise de l’eau, est intimement liée à des rituels de purification ancestraux.» Même histoire en ce qui concerne la recherche d’un grain de la peau parfait et d’un teint uniforme. Que ce soit au Japon, en Corée ou en Chine, on considère depuis toujours les irrégularités pigmentaires comme le pire signe du processus de vieillissement. «Il est impensable pour les femmes de se faire bronzer. En Asie, on a gardé l’idéal d’une peau claire et sans tache comme un symbole d’élégance, mais surtout, de jeunesse, précise Mme Bernardin. Cet idéal est en train de gagner nos contrées, qui sont en quête de jeunesse, de peau parfaite et de teint uniforme. Résultat: aux États- Unis, les ventes de produits éclaircissants sont passées de 190 millions à 350 millions de dollars entre 2009 et 2013.  

Gagner le cœur des chinoises

L’objectif actuel des compagnies de cosmétiques à l’échelle mondiale? Séduire la Chine. Depuis l’ouverture de ses frontières, les Chinoises se ruent littéralement sur les produits sud-coréens, tout en se régalant des grands classiques et des nouveautés européennes et nord-américaines. «La Chine est le marché le plus dynamique et le plus prometteur aujourd’hui», affirme Astrid Desmons. Avec une population de 1,3 milliard d’habitants, la Chine suscite un mouvement de fond de la part des marques internationales, qui cherchent par tous les moyens à séduire cette clientèle. «Le marché asiatique représente actuellement 35 % de notre chiffre d’affaires, souligne Mme Desmons. Et nous prévoyons qu’il grimpera à 50 % dans cinq ans.»

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Quant aux marques orientales déjà bien implantées en Chine, elles lorgnent du côté de l’Amérique. Ainsi, The Face Shop, une des chaînes de magasins qui est en tête du marché asiatique, a ouvert sa première boutique au Canada en 2013. Depuis, 31 autres points de vente ont vu le jour au pays, et cette croissance devrait se poursuivre en 2015. Il faudra donc s’y habituer: l’Asie s’invite peu à peu dans nos routines beauté. Selon toute probabilité, les étapes de soins vont se multiplier, les formules se raffiner, et les exigences des consommatrices occidentales atteindre des sommets inégalés. Ainsi changera peu à peu la face du monde de la beauté.

10 ans d’innovation venue d’Asie

La dernière décennie a vu arriver sur le marché une foule de petits pots de soins en provenance du Japon et de la Corée du Sud, ou qui ont été lancés par des marques occidentales fortement inspirées par les tendances venues d’Extrême-Orient. Récapitulatif des plus grands coups d’éclat de la cosmétique asiatique.

2004: La compagnie japonaise Shu Uemura est rachetée par L’Oréal et lance ses produits sur le marché américain. Parmi les plus innovants, citons la fameuse gamme d’huiles démaquillantes créées par Uemura en 1967.

2010: Utilisés depuis longtemps en Asie, où la chasse aux taches pigmentaires est ouverte depuis des millénaires, les produits éclaircissants sortent de l’ombre sur notre continent au lancement du concentré antitache Even better clinical, de Clinique. Aux États-Unis, les recettes de cette catégorie de soins sont passées de 190 millions en 2009 à 350 millions de dollars américains en 2013.

2011: Les premières crèmes BB (pour Blemish Balm) font leur entrée dans nos pharmacies. Les précurseurs au Québec? La Crème BB, de Marcelle, et le Soin miracle perfecteur, de Garnier.

2012: Chanel séduit d’abord la Chine avec sa crème CC (Complete Correction), plus couvrante que la BB. Cette nouvelle formule ne tarde pas à conquérir l’Europe et l’Amérique. S’ensuit l’arrivée des crèmes DD (pour Daily Defense) et EE (pour Energy Enhancer, Enlighter Effect ou encore Even Effect). À quand les FF?

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2014: Les masques en tissu imbibés de sérum vendus à l’unité se sont vite frayé un chemin jusque dans nos salles de bains. Et comme on en trouve aujourd’hui à la pharmacie du coin, quelque chose nous dit que ce petit plaisir hebdomadaire pourrait bien s’enraciner dans notre routine de soins.

Inventé en Corée

Le cushion: n’est ni un fond de teint ni une poudre compacte, c’est une catégorie de soin-maquillage à part. Le concept? Une éponge qui est imbibée d’une formule fine et diaphane, et qu’on presse délicatement pour prélever la quantité voulue. En 30 secondes chrono, la peau est hydratée, uniforme et lumineuse. Il y a deux ans, cette invention coréenne a gagné le coeur des Chinoises et est devenue en 2014 le premier produit de maquillage vendu là-bas. En Corée du Sud, un cushion est acheté toutes les six secondes. Le premier à faire son entrée sur le marché nord-américain est le Miracle cushion, de Lancôme, qui contient entre autres de l’adénosine, connue pour ses propriétés antirides. (48 $; lancome.ca)

Les prochaines innovations cosmétiques à surveiller? Des formules à base de bave d’escargot, supposément riche en acide glycolique; de nouveaux soins destinés à être appliqués à toute heure de la journée; des applications mobiles pour téléphones intelligents qui nous renseignent sur l’état de notre peau; des outils de massages inspirés des méthodes traditionnelles asiatiques; ainsi que des sleeping packs, c’est-à-dire des fluides légers mais surpuissants qui agissent durant la nuit.  

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