Des rites au soin: le pouvoir des odeurs

Dès l’Antiquité, on se servait du pouvoir des odeurs, que ce soit dans la vie quotidienne ou au cours de rites religieux. Ainsi, la myrrhe était utilisée dans le processus de momification en raison de ses propriétés antiseptiques. Mais son parfum était aussi apprécié, car il enveloppait le corps de sensualité.

Plus récemment, au 18e siècle, la reine Marie-Antoinette se faisait prescrire par son parfumeur des préparations pour le bain qui «savaient détendre son corps s’il était fatigué et apaiser son esprit souvent exacerbé»(1). Au fil des siècles, ces diverses pratiques ont permis de répertorier les vertus des plantes et de créer une gigantesque pharmacopée aromatique.

Il a cependant fallu attendre la fin des années 1980 pour voir apparaître la notion d’aromachologie en parfumerie. Un de ses pionniers, Jacques Courtin, fondateur de Clarins, a lancé en 1987 L’eau dynamisante, un produit qui mariait pour la première fois les mérites des huiles essentielles au pouvoir de leurs odeurs. Avec L’eau dynamisante, l’aromachologie, une discipline qui se penche sur le bienfait des senteurs sur le corps et l’esprit, s’est imposée. Dans son sillage, l’idée du «je sens bon, donc je me sens bien» s’est aussi propagée.

Élisabeth de Feydeau, historienne et experte des parfums, rappelle que c’est au cours de cette décennie qu’est apparue l’importance du psychisme. «Durant cette période psycho-pop, le psychologique se soignait autant que le physique. Au lieu de se concentrer sur le pouvoir uniquement médicinal des plantes, on a ainsi cherché à souligner leur influence sur les états d’âme.»

 

De la mémoire à l’émotion

À l’instar de Proust et de sa fameuse madeleine, on a tous expérimenté l’influence des odeurs sur la mémoire et les émotions. Il suffit de penser aux effets que procurent les douces émanations de notre gâteau préféré ou le parfum de notre mère. Les odeurs pourraient-elles nous apporter un peu de douceur dans ce monde brutal? Sans aucun doute. Cette incidence est même prouvée physiologiquement! La Dre Jane Plailly, qui étudie la mémoire olfactive au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, en France, explique que «lorsque la muqueuse olfactive capte une molécule odorante, cette dernière est tout de suite dirigée vers les circuits de l’émotion et de la mémoire. Contrairement aux autres stimulus sensoriels, les odeurs ne passent pas par le thalamus, qui agit comme un filtre. Les informations olfactives sont donc moins manipulées, plus brutes.»

Ce que les créateurs de parfums ont bien compris. Ce n’est pas un hasard si pour concevoir Angel, Thierry Mugler a souhaité réunir toutes les odeurs de son enfance, ouvrant ainsi la porte à une vague de parfums dits «bonbons».

Il faut savoir que «la mémoire olfactive est toujours liée à la petite enfance», précise la Dre Plailly. La raison? «C’est un des premiers sens développés in utero.» À cela, il faut ajouter qu’une des notes phares des parfums dits sucrés est la vanille. Une odeur «universellement appréciée », selon d’Élisabeth de Feydeau, la vanille étant la saveur dominante des laits maternisés!

 

Les tendances en parfumerie

Si on a établi une corrélation entre la longueur des jupes et les périodes de récession, on a également observé que certaines fragrances deviennent populaires après des temps difficiles. C’est le cas des notes dites vertes, nées juste après la Seconde Guerre mondiale, qui symbolisaient l’envie de renouveau. «Cette vogue est réapparue en 1968, puis récemment, après la crise de 2008», signale Élisabeth de Feydeau.

Aujourd’hui, la recherche du naturel et du bien-être, ainsi que l’engouement pour le bio, traduisent un fort désir de retour aux sources de la part des consommateurs. Un courant qui s’exprime aussi bien dans la formulation des cosmétiques que dans les orientations des groupes de beauté. Un exemple parfait? Roger & Gallet, qui a entrepris une vaste opération de dépoussiérage de sa marque, en rappelant les vertus aromachologiques de ses produits en les associant à des destinations de voyage exotiques.

La sociologue Brigitte Munier(2) explique que le récent succès des eaux de Cologne et des parfums aux vertus aromachologiques «correspond dans le même souffle à un désir d’authenticité. L’eau de Cologne est un produit simple et vrai qui a sa propre histoire. Il est en totale opposition avec les parfums complexes et hypermarketés».

Pour tirer pleinement profit des propriétés d’un produit, le rituel qui l’entoure est très important. Ainsi, Marie-Claude Côté, directrice nationale de la formation – Division Clarins, conseille d’appliquer les parfums ou les eaux de soins sur une peau nue parce qu’«au contact de la peau, les extraits aromatiques volatils vont stimuler les récepteurs situés dans le nez et délivrer leur message olfactif». Quant à Andrée Masson, formatrice pour Décléor, elle conseille de chauffer le soin entre ses doigts, «qui permet d’activer les molécules odorantes», puis de le sentir et de le respirer. «Car si on apprécie l’odeur de son soin, on aura plus tendance à l’utiliser», précise-t-elle. 

 

(1) Élisabeth de Feydeau, Les parfums, histoire, anthologie, dictionnaire, Robert Laffont, 2011.
(2) Brigitte Munier, Le parfum à travers les siècles. Des dieux de l’Olympe au cyber-parfum, Les Éditions du Félin, 2003.

 

Je sens, donc je suis

Le citron, l’eucalyptus, le gingembre, la menthe ou le pamplemousse: pour un effet énergisant, à utiliser dans la journée avant une grosse réunion.

La bergamote ou le patchouli: pour leur pouvoir euphorisant, à humer le matin afin de bien démarrer la journée.


Le basilic, le thé vert ou l’ylang-ylang:
pour leur effet apaisant. À respirer en cas de stress.

La lavande, la myrrhe, la rose ou le santal: pour une action relaxante, à appliquer le soir avant de se coucher afin de faciliter le sommeil.

 

 

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